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[BANJUL, 9 juin 2009] - MalgrĂ© les efforts dĂ©ployĂ©s par le gouvernement en vue de rĂ©duire le nombre dâenfants qui vivent et travaillent dans les rues de Gambie, le phĂ©nomĂšne subsiste, et des centaines dâenfants restent ainsi vulnĂ©rables Ă la violence, Ă lâexploitation et aux maltraitances, selon les dĂ©fenseurs des droits de lâenfant. Les enfants des rues sont particuliĂšrement nombreux dans les villes frontaliĂšres de Farafenni et Basse, et Ă Brikama, Serekunda et Jarra Soma, selon Phoday Kebbeh, directeur de lâInstitute for Social Reformation and Action (ISRA), une organisation non-gouvernementale (ONG) de dĂ©fense des droits de lâenfant. « Les chiffres sont sidĂ©rants », a-t-il indiquĂ©. On ignore combien sont ces enfants des rues, mais au cours dâune opĂ©ration organisĂ©e par le ministĂšre de lâImmigration en fĂ©vrier, 374 personnes ont Ă©tĂ© interceptĂ©es, dont 200 enfants qui vivaient ou travaillaient dans la rue, selon un communiquĂ© du ministĂšre. Selon Laurent De Boeck, directeur des programmes rĂ©gionaux de lâOrganisation internationale pour les migrations, le nombre dâenfants qui travaillent dans les rues de Gambie augmente. DĂ©but 2008, le gouvernement gambien a adoptĂ© des mesures sĂ©vĂšres Ă lâencontre des enfants des rues : les responsables du ministĂšre de lâImmigration et de la police procĂšdent dĂ©sormais Ă des rafles tous les deux mois. Les enfants sont emmenĂ©s dans un centre de transit public, Ă 16 kilomĂštres de la capitale, oĂč les autoritĂ©s tentent de les replacer au sein de leurs familles. Mais le ministĂšre nâa pas les capacitĂ©s nĂ©cessaires pour sâoccuper de ces cas, a notĂ© M. Kebbeh de lâISRA, expliquant que ces opĂ©rations apeuraient les enfants. Quelque 60 pour cent des enfants qui vivent dans la rue, en Gambie, viennent des pays voisins, la plupart du SĂ©nĂ©gal et de GuinĂ©e-Bissau, selon une Ă©tude menĂ©e en 2006 â la plus rĂ©cente - par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et lâONG Christian Childrenâs Fund (CCF). La plupart de ces enfants, connus dans le pays sous le nom « dâalmodous » (dĂ©rivĂ© du nom « Ahmed »), font lâaumĂŽne pour un enseignant religieux ou marabout, qui leur propose de leur enseigner le Coran, de les loger et de les nourrir. On les appelle les « talibĂ©s » de lâautre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, au SĂ©nĂ©gal, oĂč ils sont bien plus nombreux, selon M. Kebbeh. Les familles pauvres confient souvent leurs enfants â gĂ©nĂ©ralement leurs fils - Ă un marabout dans lâintention de leur offrir un enseignement coranique, mais dans certains cas, ils alimentent involontairement un rĂ©seau florissant de trafiquants et de passeurs dâenfants, selon le Samu social, une ONG qui Ćuvre pour la protection des droits de lâenfant. En Gambie, Mutarr Nying, un ancien almodou de 12 ans, sâest Ă©chappĂ© du domicile de son marabout en 2007 car il ne pouvait plus supporter les coups que lui assĂ©nait rĂ©guliĂšrement son maĂźtre. Les enfants sont en effet battus sâils ne ramĂšnent pas chaque soir assez dâargent Ă leur maĂźtre, a-t-il racontĂ©, montrant son cou marquĂ© dâune cicatrice que lui ont laissĂ©e ces coups, a-t-il dit. « Ca fait longtemps [que je suis parti]. Je pense que deux pluies sont tombĂ©es depuis. Une fois, il [le maĂźtre] a envoyĂ© mes pairs me chercher. Ils ont failli mâenlever, mais une vendeuse du marchĂ© est venue Ă ma rescousse ». « Elle mâa donnĂ© Ă manger pendant deux jours, a-t-il racontĂ©. Jâai dormi sous son Ă©tal pendant une semaine sans quâelle le sache ». Aujourdâhui encore, Mutarr se dĂ©place une boĂźte de conserve Ă la main, pour faire lâaumĂŽne et pouvoir ainsi survivre. Il nâa pas vu ses parents depuis trois ans. En plus dâĂȘtre battus, ces enfants sont maltraitĂ©s par les adultes et dâautres enfants, exploitĂ©s et exposĂ©s au risque dâavoir des rapports sexuels sans protection, selon Salifu Jarsey, expert gambien de la protection de lâenfance Ă lâUNICEF. Un grand nombre dâentre eux souffrent de malnutrition et errent dans les rues Ă demi nus, ont expliquĂ© les habitants de Serekunda Ă IRIN. Gibby Barre, un almodou de 15 ans, vit Ă Serekunda ; si son marabout nourrit les quelque 22 enfants qui vivent Ă ses cĂŽtĂ©s, a-t-il expliquĂ©, ces derniers sont obligĂ©s de mendier pour se procurer des habits et des chaussures. Faute de moyens, la police envoie ces enfants au ministĂšre des Affaires sociales, qui lui mĂȘme est peu susceptible de pouvoir donner suite aux diffĂ©rents cas portĂ©s Ă son attention, selon M. Kebbeh. Les enfants finissent donc par ĂȘtre confiĂ©s aux bons soins dâONG de protection de lâenfance, telles que le CCF ou lâISRA. Le CCF tient une permanence soutenue par lâUNICEF, oĂč les enfants des rues peuvent bĂ©nĂ©ficier dâun examen mĂ©dical, prendre une douche, jouer avec dâautres enfants ou simplement se reposer, a indiquĂ© M. Jarsey de lâUNICEF. LâISRA et lâUNICEF sont Ă©galement en train dâĂ©tablir, Ă lâattention des marabouts de Gambie, un code de conduite sur les normes minimales relatives Ă la protection de lâenfance, quâils prĂ©voient de publier dâici Ă la fin de lâannĂ©e 2009. Sâattaquer au problĂšme des enfants des rues est un tour dâadresse particuliĂšrement dĂ©licat, les almodous Ă©tant attachĂ©s Ă la religion et Ă la tradition, selon Min-Whee Kang, reprĂ©sentant de lâUNICEF en Gambie. « Il faut pour cela adopter une approche holistique Ă plusieurs volets, et mettre en place des systĂšmes et des structures de soutien solides pour crĂ©er un environnement protecteur pour ces enfants ». Selon M. Kebbeh de lâISRA, il faut Ă©galement faire respecter la lĂ©gislation actuelle en matiĂšre de protection de lâenfance et de traite.