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Summary: Le Sénat examine à partir du mardi 17 mai le projet de loi introduisant une réforme de la justice des mineurs. Celle-ci prévoit la création d'un tribunal correctionnel comprenant un juge des enfants, chargé de juger les récidivistes âgés de 16 à 18 ans et la mise en place de procédures de poursuite judiciaire plus rapides.
(Le 17 mai 2011) - "Il y a urgence à adapter certaines dispositions. Les mineurs et notre société ont profondément changé depuis 1945 [date de l'ordonnance sur le sujet, NDLR]", justifiait le garde des Sceaux Michel Mercier le 13 avril dernier. Mais cette réforme est loin de faire l'unanimité. Le groupe socialiste au Sénat a d'ores et déjà annoncé qu'il votera contre le texte. Dans les rangs de la majorité, plusieurs sénateurs UMP ont exprimé des réserves, agacés de devoir légiférer "dans l'urgence", puisque l'examen du projet au Parlement doit être bouclé avant le 14 juillet, et regrettant le "manque de cohérence d'ensemble d'une grande réforme de la justice", selon les mots du rapporteur UMP, Jean-René Lecerf. Le gouvernement affirme lui que cette procédure correspond à ses engagements ainsi qu'aux impératifs du calendrier parlementaire. Colère des syndicats Les organisations syndicats et professionnelles sont également montées au créneau. Six d'entre elles accusent le gouvernement de "déconstruire, pan par pan, la spécificité de la justice des mineurs". Pour le syndicat de la magistrature (SM), il s'agit là d'ajouter une nouvelle couche au "mille-feuilles pénal", mais surtout d'une "atteinte aux principes fondamentaux de la justice des mineurs posés par l'ordonnance de 1945". "On ne doit pas faire juger les mineurs par les mêmes juges que les majeurs", affirme Matthieu Bonduelle, secrétaire général du SM. Virginie Valton, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM), s'inquiète elle-aussi "fortement" de cette "brèche dans le régime des mineurs". Elle dénonce également un manque de logique puisque par ce même texte, "le gouvernement fait part de sa volonté de développer la présence des jurés populaires mais les retire de la justice des mineurs". Si le projet de loi est voté, les récidivistes âgés de 16 à 18 ans seront donc jugés par un tribunal correctionnel et le spécialiste [le juge pour enfants, NDLR] sera alors en minorité. A l'heure actuelle, ils sont jugés par un juge pour enfants et deux assesseurs reconnus pour leur niveau de compétence dans le domaine particulier de l'aide à l'enfance. Cependant, la commission des Lois a adopté le 4 mai dernier plusieurs amendements et a imposé la présidence de ce tribunal correctionnel par le juge des enfants, "conformément à l'exigence de spécialisation des juridictions chargées de juger des mineurs", justifie-t-elle. Le gouvernement ne déposera pas d'amendement pour rétablir le texte, affirme la Chancellerie. "Une régression" Malgré tout, pour Mathieu Bonduelle, cette réforme est "une régression" au nom d'un postulat que les mineurs ne sont plus les mêmes qu'avant. "Mais quand on a moins de 18 ans, on est un enfant", assure-t-il. De plus, toujours selon le magistrat, "cela ne changera rien à la délinquance des mineurs seulement la façon dont ils sont jugés. "On fait régresser les principes mais pas la délinquance", affirme-t-il. "C'est de l'affichage électoraliste", conclut-il. C'est également l'avis de Catherine Sultan, vice-présidente au Tribunal pour enfant d'Evry pour qui ce texte "ne pose à aucun moment les véritables problèmes de la prise en charge, du nombre d'éducateurs, de la pédopsychiatrie". De plus, "rien ne démontre des mutations de la délinquance des mineurs", précise Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny. Un nouveau tribunal Mais selon Catherine Sultan, ce texte manifeste également une méfiance à l'égard du tribunal pour enfant. " Qu'est ce que cela veut dire de créer une nouvelle institution [tribunal correctionnel pour mineurs, NDLR] qui a les mêmes pouvoirs que le tribunal pour enfant ?", interroge-t-elle. "Il s'agit du "dénigrement d'une institution", selon elle. Interrogé sur ces critiques, le ministère de la Justice se défend. S'il s'agit bien d'une modification de l'ordonnance de 1945, mais celle-ci intègre "les dispositions constitutionnels relatives à la justice des mineurs, notamment une spécialisation du juge [trois magistrats professionnels dont un juge pour enfant]", assure-t-on. Il faut rappeler que les principes relatifs à la justice des mineurs ont été érigés en août 2002 au rang de principes intangibles par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a d'ailleurs retoqué les dispositions de la loi LOPPSI 2 relatives aux enfants, notamment l'élargissement de l'application des peines plancher aux mineurs primo-délinquants, la comparution immédiate devant le tribunal des enfants, ou la pénalisation des parents en cas de non respect d'une décision de couvre-feu individuelle. Et existe-t-il une défiance vis-à-vis du tribunal pour enfant comme le dénoncent les magistrats ? Aucunement, affirme-t-on au ministère. "Le message est à destination des mineurs récidivistes qui ont déjà été sanctionnés et qui n'ont pas tiré toute les conséquences. Il s'agit ici de marquer plus de solennité", ajoute-t-on. "Ce nouveau tribunal ne remet pas en cause la procédure qui s'applique aux mineurs", précise la Chancellerie. Convention des droits de l'enfant Mais les organisations syndicats et professionnelles n'en démordent pas. Par ce projet de loi, "le gouvernement affirme son souhait de traiter les mineurs de 16 à 18 ans comme des majeurs" et "démantèle pierre après pierre la justice pénale des enfants", affirment Catherine Sultan et Jean-Pierre Rosenczveig. De plus, pour le président du tribunal pour enfants de Bobigny comme pour la vice-présidente du tribunal d'Evry, ce projet de loi est en contradiction avec la convention internationale des droits de l'enfant (CED) signée par la France. Interrogé sur ce point, le Comité des droits de l'enfant rappelle qu'en juin 2009 dans ses observations sur l'application de la CED en France [Une convention à la différence d'une déclaration est un instrument international juridique contraignant, NDLR], il s'était déjà dit "préoccupé par la législation et la pratique dans ce domaine" [l'administration de la justice pour mineurs, NDLR]. Concernant le projet de loi actuellement étudié par le Parlement, il ne va pas dans le sens de leurs préconisations, affirme le Comité. "Une nouvelle fois, il tend à faire sortir les 16-18 ans du cadre de la justice des mineurs", explique une juriste du Comité. Pourtant, "la Convention et le Comité sont claires : les enfants, c'est à dire toute personne de moins de 18 ans ne doivent ni être jugés comme des adultes ni par des tribunaux pour adultes", rappelle-t-elle. Plus d'informations: