FRANCE: Justice des mineurs

Summary: Interview de Fabienne Quiriau, directrice générale de la convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE) par Anne Collin

(Le 21 juin 2011) - "On ne prend pas à bras le corps ce sujet qui est éminemment une question politique et sociétale", estime la directrice générale de la CNAPE.

Après le Sénat, c'est au tour des députés d'examiner à partir du 21 juin, un projet de loi portant sur l'entrée de jurés populaires en correctionnelle mais également la réforme de la justice des mineurs. Ce texte prévoit notamment la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs afin de juger les récidivistes de plus de 16 ans. De nombreuses organisations et associations s'indignent de ce qui est pour eux une remise en cause de l'ordonnance du 2 février 1945, établissant la spécificité de la justice des mineurs. Pour Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE (convention nationale des associations de protection de l'enfant), nous sommes ici dans une politique "du coup par coup".

 

La Chancellerie affirme que cette proposition de loi s'inscrit dans le "respect" de l'ordonnance de 1945 qui fonde la spécificité la justice des mineurs. Qu'en est-il selon vous ?

- La présence d'un seul juge des enfants n'est pas une garantie suffisante. Soit ces juges des enfants sont compétents et donc, pourquoi confier le jugement des mineurs à de nouveaux magistrats et créer une nouvelle juridiction, soit ils ne le sont pas. Nous défendons avant tout la spécificité de la justice des mineurs et la professionnalisation de ces questions.

Cela nous amène donc à penser qu'il existe une défiance envers les juges des enfants et/ou un glissement vers la justice des majeurs.

 

La France serait-elle,  comme vous l'affirmez, en opposition avec la Convention des droits de l'Enfant si elle adoptait ce texte ?

- L'article 1er de la Convention stipule qu'un enfant est celui qui a moins de 18 ans. C'est un texte que la France a adopté et ratifié. Elle se placerait donc en non-conformité.

 

Mais cette Convention n'a pas de pouvoir coercitif...

- En effet. Mais de nombreuses mesures ont été transposées dans le Code pénal français avec la loi du 5 mars 2007. L'adoption de ce projet de loi constituerait un recul, d'autant que la France a été porteuse de cette Convention des droits de l'enfant et plus largement des droits de l'Homme. Elle apparaitrait également en complet décalage, particulièrement avec l'Allemagne -à laquelle elle se compare volontiers- qui est en train de repenser les moyens d'aider sa jeunesse (Elle envisage de considérer qu'une personne ne doit être jugée pénalement comme un adulte qu'à partir de 21 ans).

 

Cette modification de l'ordonnance de 1945 n'est pas la première. Vous apparaît-elle comme l'ultime attaque ou la suite logique d'une politique sécuritaire ?

- Ce n'est qu'une nouvelle attaque. Ce qui nous étonne sur cette question de la délinquance juvénile qui reste une vraie question, c'est cette multiplication des dispositions. Cela ressemble davantage à une politique du coup par coup. On ne prend pas à bras le corps ce sujet qui est éminemment une question politique et une question de société.

Il faut repenser ce problème bien en amont et apporter des réponses diverses (proximité, dialogue, …). Elles ne peuvent se limiter à la mise en place d'un tribunal. Interrogeons-nous plutôt sur ce qui amène l'expression de la délinquance, ces sources. Mais c'est une question qui exige que l'on y mette les moyens.

 

Michel Mercier justifie cette proposition de loi par le fait que les mineurs d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes qu'en 1945. En arrivez-vous à la même conclusion ?

- On nous dit qu'ils sont plus violents et plus jeunes. Mais nous ne disposons d'aucune donnée. Morphologiquement, oui certainement. Mais la société, les adultes n'ont-ils pas changé ? A-t-on pour autant à faire à des adultes ? Certainement, davantage à des enfants qui ressemblent à des adultes.

Plus largement, il faut se demander : la jeunesse doit-elle être réduite à un problème de délinquance ? C'est à nous, adultes qu'il revient de les aider pour qu'ils se sentent bien dans la société dans laquelle ils vivent.

 

Le développement des CEF (centres éducatifs fermés), voulu par le gouvernement, est-il la solution pour régler le problème de la délinquance des mineurs ?

- Au départ, la CNAPE et l'Unicef se sont prononcés pour ces CEF, puisqu'il s'agissait d'une alternative à l'incarcération. Ce sont des lieux qui avaient pour vocation de privilégier l'éducatif.

Cependant, encore une fois, cette action éducative coûte cher et nécessite une véritable volonté politique. A l'heure actuelle, les moyens des CEF deviennent insuffisants pour qu'ils soient en mesure d'assurer leurs nombreuses missions. Mais, si on suit cette logique comptable, quel est le coût d'un délinquant pour qui on ne trouve pas d'action pérenne ?

pdf: http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110620.OBS5529/justic...

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