ETHIOPIE: Pas de nourriture, pas d’éducation

[HWASSA, 10 octobre 2008] - Les Ă©coles d’Ethiopie ont ouvert pour cette nouvelle annĂ©e scolaire, mais dans certaines rĂ©gions, l’insĂ©curitĂ© alimentaire grave empĂȘche des milliers d’enfants d’aller en classe.

« À cette pĂ©riode, l’annĂ©e derniĂšre, nous avions dĂ©jĂ  inscrit 2 300 Ă©lĂšves », a indiquĂ© Solomon Desta, directeur de l’école primaire Bashiro, Ă  Bona, une rĂ©gion de la zone de Sidama, dans la RĂ©gion des nations, nationalitĂ©s et peuples du Sud (SNNPR). « Aujourd’hui, nous avons 1 800 inscrits ».

Cette fois-ci, M. Desta s’était prĂ©parĂ© Ă  recevoir 2 500 enfants, car il avait Ă©tĂ© contraint, l’an dernier, d’en envoyer certains dans d’autres Ă©coles, Bashiro ne pouvant tous les accueillir.

L’établissement a reportĂ© la date limite d’inscription de 15 jours Ă  compter du 1er septembre, mais le nombre des inscrits n’a pas augmentĂ©. « C’est le taux d’inscription le plus faible [que nous ayons eu] ces trois derniĂšres annĂ©es », a indiquĂ© M. Desta Ă  IRIN.

Les parents des enfants non-scolarisĂ©s ont expliquĂ© qu’ils ne pouvaient pas les envoyer Ă  l’école, n’ayant que peu, voire pas de nourriture Ă  leur donner.

Au village de Shemna Hurufa, Ă©galement situĂ© dans la zone de Sidama, le seul Ă©tablissement primaire allant du CP au CM1 s’était prĂ©parĂ© Ă  accueillir au moins 800 Ă©lĂšves cette saison, mais seuls 710 s’étaient inscrits au 26 septembre.

« Vu la taille de notre kĂ©bĂ©lĂ© [sous-division administrative], nous nous attendions Ă  ce que de nombreux enfants [s’inscrivent Ă  l’école] », a expliquĂ© Lema Harriso, le directeur. « Il y a environ 400 enfants d’ñge scolaire dans notre kĂ©bĂ©lĂ©, mais seuls 260 sont inscrits ».

En septembre, l’annĂ©e derniĂšre, a indiquĂ© M. Harriso, 860 enfants Ă©taient inscrits, mais 200 avaient arrĂȘtĂ© avant la fin de l’annĂ©e scolaire, en juin.

Et ces Ă©coles ne sont que deux exemples parmi tant d’autres des nombreux Ă©tablissements oĂč le taux d’inscription a chutĂ© en raison des pĂ©nuries d’eau et de nourriture qui frappent l’Ethiopie.

Des précipitations inférieures à la moyenne

Selon le RĂ©seau des systĂšmes d’alerte prĂ©coce contre la famine (FEWS Net), le degrĂ© extrĂȘme d’insĂ©curitĂ© alimentaire perdure dans les rĂ©gions sud et sud-est de l’Ethiopie.

DiffĂ©rents facteurs expliquent cette situation : plusieurs saisons successives de prĂ©cipitations infĂ©rieures Ă  la moyenne, des inondations dans les zones riveraines, les maladies du bĂ©tail, une infestation de noctuelles ponctuĂ©es, le conflit, l’aide humanitaire insuffisante, et les prix extrĂȘmement Ă©levĂ©s et croissants des vivres.

La rĂ©gion d’Oromiya, la SNNPR, les rĂ©gions du TigrĂ© et d’Amhara, et la rĂ©gion Somali sont les plus touchĂ©es par l’insĂ©curitĂ© alimentaire, avec 297 woredas (divisions administratives) considĂ©rĂ©es comme des points chauds, oĂč des taux de malnutrition aiguĂ« critiques et graves ont Ă©tĂ© signalĂ©s.

Une aide d’urgence doit ĂȘtre apportĂ©e aux populations de toute la rĂ©gion Somali, et principalement des zones de Fik, Warder, Gode, Dagabhur, Korahe, Liben et Afder, au vu de l’aggravation rapide des conditions de sĂ©curitĂ© alimentaire, ces 18 derniers mois, a indiquĂ© FEWS Net, dans un bulletin d’information datĂ© du 29 septembre.

Dans ces rĂ©gions, la situation s’avĂšre dĂ©sespĂ©rĂ©e pour les parents. « Pour les familles pauvres, les coĂ»ts de base des fournitures scolaires sont dĂ©sormais complĂštement prohibitifs », a dĂ©clarĂ© l’organisation non-gouvernementale (ONG) Save the Children, le 26 septembre.

« Tout leur argent doit ĂȘtre consacrĂ© Ă  leur quĂȘte de nourriture ; dans nombre de cas, les enfants ne mangent pas assez pour pouvoir faire le trajet jusqu’à l’école, et ne parviennent pas Ă  se concentrer une fois sur place », a en outre indiquĂ© l’organisme.

En juin, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a fait Ă©tat d’un taux Ă©levĂ© d’abandon scolaire, cette annĂ©e, dans les rĂ©gions d’Oromiya et du TigrĂ©, ainsi que dans la rĂ©gion Somali et la SNNPR.

« L’éducation [des enfants] a Ă©tĂ© perturbĂ©e dans les rĂ©gions touchĂ©es par la sĂ©cheresse ; cette situation a provoquĂ© une diminution de la frĂ©quentation scolaire, une augmentation du taux d’abandon, et la migration des enseignants, qui quittent les Ă©coles dans lesquelles ils ont Ă©tĂ© affectĂ©s, selon les informations actuelles, provenant des diffĂ©rentes zones de la rĂ©gion d’Oromiya, de la SNNPR et de la rĂ©gion Somali », selon l’agence.

Malnutrition

Un grand nombre d’enfants de Shemna Hurufa souffrent Ă©galement de malnutrition, et nombre d’entre eux reçoivent une assistance thĂ©rapeutique.

Amanuel Eleso, 25 ans, a amenĂ© son frĂšre Henok, huit ans, au centre lorsqu’il s’est rendu compte que celui-ci Ă©tait malade. « Notre mĂšre est morte il y a six ans. Il n’y a personne pour s’occuper de Henok ».

Fils aĂźnĂ© d’une famille dont le pĂšre est ĂągĂ© et faible, Amanuel avait pris son frĂšre Henok Ă  sa charge, en plus de ses trois enfants. Il a aussi fini par accueillir sous son toit ses frĂšres de 10 et 13 ans.

Mais la lutte qu’il mùne pour nourrir à la fois ses frùres et ses propres enfants est bien trop dure.

« Les pluies étant erratiques, nous ne produisons pas assez de maïs », a expliqué Amanuel. « La prochaine récolte ne nous suffira que pour trois ou quatre mois ».

Dans la zone de Sidama, les populations dépendent à la fois de la petite saison des pluies et de la saison des pluies principale. Le belg, la petite saison des pluies, dure de mars à avril, et la saison principale, de juin à la mi-septembre.

Selon les travailleurs de la santĂ©, les deux saisons n’ont pas Ă©tĂ© abondantes, cette annĂ©e.

Dans le woreda de Hwassa Zuria, oĂč vit Amanuel, une enquĂȘte nutritionnelle menĂ©e en mai et juin par l’ONG Goal et l’unitĂ© rĂ©gionale de coordination nutritionnelle d’urgence a rĂ©vĂ©lĂ© un taux Ă©levĂ© de malnutrition aiguĂ« sĂ©vĂšre (5,5 pour cent, dont 1,6 pour cent avec ƓdĂšme), et un taux global de malnutrition aiguĂ« de 29,9 pour cent.

Dans l’ensemble du pays, selon les estimations du gouvernement, 6,4 millions d’Ethiopiens auront besoin de recevoir une aide alimentaire dans les prochains mois, dont 1,9 million dans la rĂ©gion Somali.

Ce nombre ne tient pas compte des 5,7 millions de bénéficiaires du Productive Safety Net Programme [Programme « filet de sécurité » productif] dans les régions touchées par la sécheresse, qui reçoivent des fonds et des vivres, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Des denrées coûteuses

Selon FEWS Net, les prix continuent d’augmenter, rĂ©duisant ainsi l’accĂšs des populations urbaines pauvres, des fermiers pauvres des rĂ©gions rurales et des populations pastorales et agropastorales Ă  l’alimentation.

« Les prix des cĂ©rĂ©ales sont extrĂȘmement Ă©levĂ©s par rapport Ă  ceux pratiquĂ©s l’annĂ©e derniĂšre, Ă  la mĂȘme pĂ©riode, mais aussi comparĂ© Ă  la moyenne des cinq derniĂšres annĂ©es », selon FEWS Net. « À Addis-Abeba, le prix nominal du maĂŻs blanc au dĂ©tail Ă©tait respectivement 176 pour cent et 224 pour cent plus Ă©levĂ© ».

Amanuel a expliquĂ© qu’il n’avait dĂ©sormais plus les moyens de bien alimenter les enfants.

« Quand j’ai emmenĂ© Henok se faire ausculter, ils m’ont dit que je devais le nourrir correctement », a-t-il racontĂ©. « OĂč est-ce que je peux me procurer la nourriture dont ils me parlent ? ».

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=80868

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