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Summary: Le chef rebelle congolais Thomas Lubanga Dyilo a Ă©tĂ© reconnu coupable, son co-accusĂ© Bosco Ntaganda doit Ă©galement ĂȘtre arrĂȘtĂ©.
[Le 14 mars 2012] - Le verdict « coupable » prononcĂ© par la Cour pĂ©nale internationale (CPI) Ă lâencontre du chef rebelle Thomas Lubanga Dyilo pour le recrutement et l'utilisation dâenfants soldats dans des hostilitĂ©s est une premiĂšre Ă©tape pour rendre justice aux milliers dâenfants qui sont forcĂ©s Ă prendre part Ă des conflits, en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo et ailleurs, a dĂ©clarĂ© Human Rights Watch aujourd'hui. Le verdict souligne la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der immĂ©diatement Ă lâarrestation du co-accusĂ© dans lâaffaire Lubanga, Bosco Ntaganda, qui est actuellement un gĂ©nĂ©ral dans lâarmĂ©e congolaise Ă Goma, Ă lâest du Congo, et continue dâĂ©chapper Ă la justice. « Le verdict contre Lubanga est une victoire pour les enfants forcĂ©s Ă combattre dans les guerres brutales du Congo », a dĂ©clarĂ©Â GĂ©raldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer en faveur de la justice internationale Ă Human Rights Watch. « Les commandants militaires au Congo et ailleurs devraient tenir compte de ce message fort lancĂ© par la CPI : lâutilisation dâenfants comme arme de guerre est un crime grave qui peut les conduire sur le banc des accusĂ©s. » Les juges de la CPI ont jugĂ© Lubanga coupable « au-delĂ de tout doute raisonnable » des crimes de guerre de conscription, d'enrĂŽlement et dâutilisation active dâenfants de moins de 15 ans dans des hostilitĂ©s dans le district de l'Ituri en 2002 et 2003. Lubanga Ă©tait le chef de l'Union des Patriotes Congolais (UPC), un groupe rebelle impliquĂ© dans de nombreuses violations graves de droits humains, notamment des massacres ethniques, des actes de torture, des viols et le recrutement massif d'enfants, certains ĂągĂ©s d'Ă peine 7 ans. Les autoritĂ©s congolaises ont transfĂ©rĂ© Lubanga Ă la CPI en mars 2006. Son procĂšs a commencĂ© en janvier 2009. Des audiences seront programmĂ©es dans les semaines Ă venir afin de dĂ©terminer la peine Ă lâencontre de Lubanga et les rĂ©parations pour les victimes. La cour devrait prendre toutes les mesures nĂ©cessaires pour s'assurer que les communautĂ©s affectĂ©es au Congo soient informĂ©es du jugement et des prochaines Ă©tapes, selon Human Rights Watch. Le jugement a Ă©galement inclus de vives critiques sur la façon dont le Bureau du procureur a menĂ© sa premiĂšre affaire. Les juges ont soulignĂ© le fait que l'accusation nâa pas suffisamment vĂ©rifiĂ© ses preuves, ce qui a conduit au discrĂ©dit de plusieurs tĂ©moins. Les juges ont Ă©galement abordĂ© le rĂŽle des « intermĂ©diaires » â des personnes qui aident le Bureau du procureur Ă contacter des victimes et des tĂ©moins â qui a Ă©tĂ© examinĂ© en dĂ©tail pendant le procĂšs suite Ă des allĂ©gations de la dĂ©fense indiquant que certains intermĂ©diaires auraient corrompu et entrainĂ© des tĂ©moins Ă mentir. « Lâaffaire Lubanga met en Ă©vidence Ă chaque Ă©tape la nĂ©cessitĂ© d'amĂ©liorer les enquĂȘtes sur le terrain par le personnel du Bureau du procureur, » a dĂ©clarĂ© GĂ©raldine Mattioli-Zeltner. « Le Procureur et la cour dans son ensemble devraient tirer les enseignements de cette premiĂšre expĂ©rience afin dâamĂ©liorer lâadministration de la justice. Les victimes ne mĂ©ritent rien de moins. » Le procĂšs de Lubanga a contribuĂ© Ă sensibiliser lâopinion au sort des enfants contraints Ă faire la guerre. La prĂ©sence dâenfants Ă©tait si courante au sein de l'UPC de Lubanga que cette force Ă©tait qualifiĂ©e dâ« armĂ©e d'enfants ». Toutes les parties au conflit armĂ© en Ituri ont utilisĂ© des enfants comme soldats. Des enfants sont toujours prĂ©sents dans les rangs de groupes armĂ©s et de lâarmĂ©e congolaise et, dans certaines rĂ©gions du Congo, continuent d'ĂȘtre activement recrutĂ©s, y compris par la force. Bon nombre de ces enfants prennent part aux combats armĂ©s, soit dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, soit dans le nord du Congo oĂč ils sont recrutĂ©s par l'ArmĂ©e de rĂ©sistance du Seigneur (ARS), un groupe rebelle ougandais. Joseph Kony, le commandant de lâARS et son lieutenant Okot Odhiambo sont aussi recherchĂ©s par la CPI pour avoir enlevĂ© des enfants et les avoir forcĂ©s Ă participer aux hostilitĂ©s au nord de lâOuganda, entre autres crimes. Dominic Ongwen, un autre chef militaire de lâARS particuliĂšrement actif dans le nord du Congo est Ă©galement le sujet dâun mandat dâarrĂȘt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre lâhumanitĂ©. LâARS continue de commettre des atrocitĂ©s aux confins du Congo, dans la rĂ©gion frontaliĂšre avec la RĂ©publique Centrafricaine et le Sud Soudan. Une vidĂ©o de 30 minutes rendue publique la semaine derniĂšre par lâorganisation âInvisible Childrenâ et qui appelle Ă lâarrestation immĂ©diate de Kony a dĂ©jĂ Ă©tĂ© visionnĂ©e par prĂšs de 80 millions de personnes Ă ce jour. « Le jugement âcoupableâ de la CPI Ă lâencontre de Lubanga devrait ĂȘtre un avertissement Ă Joseph Kony, qui continue dâenvoyer des enfants au combat, »a soulignĂ© Mattioli-Zeltner. « Les gouvernements africains et la communautĂ© internationale doivent intensifier leurs efforts pour arrĂȘter Kony et autres dirigeants de lâARS recherchĂ©s par la CPI immĂ©diatement. » Ă travers le monde, des enfants participent Ă des conflits armĂ©s dans au moins 15 pays. Outre Lubanga, six autres personnes ont Ă©tĂ© accusĂ©es par la CPI du crime de recrutement et dâutilisation d'enfants soldats. Les Nations Unies, ainsi que des associations locales et internationales de dĂ©fense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont toutes recueilli des informations sur dâautres crimes graves commis par la milice de Lubanga, bien que ceux-ci nâaient pas Ă©tĂ© inclus dans le mandat dâarrĂȘt du Procureur. La portĂ©e limitĂ©e des accusations portĂ©es par le Procureur de la CPI contre Lubanga ne reflĂšte pas l'ampleur des souffrances endurĂ©es par les victimes de lâUPC, a affirmĂ© Human Rights Watch. « MalgrĂ© ce jugement important sur l'utilisation d'enfants soldats, les victimes d'autres atrocitĂ©s aux mains des troupes de Lubanga nâont pas encore obtenu justice »,a dĂ©clarĂ© GĂ©raldine Mattioli-Zeltner. « Ce verdict ne devrait pas ĂȘtre une excuse pour ignorer les autres crimes graves commis par lâUPC et dâautres groupes armĂ©s au Congo, et il ne fait que souligner l'importance dâengager des poursuites plus complĂštes contre dâautres, parmi lesquels Ntaganda. » L'ex-chef des opĂ©rations militaires de lâUPC, Bosco Ntaganda, est Ă©galement recherchĂ© par la CPI pour avoir recrutĂ© et utilisĂ© des enfants soldats en Ituri, les mĂȘmes chefs dâaccusation que ceux retenus contre Lubanga. Ntaganda est aujourdâhui gĂ©nĂ©ral au sein de l'armĂ©e congolaise et vit sans se cacher Ă Goma, dans lâest du Congo, oĂč il est rĂ©guliĂšrement aperçu dans les meilleurs restaurants ou sur les courts de tennis. Ntaganda occupe Ă lâheure actuelle la fonction de commandant adjoint des opĂ©rations militaires dans l'est du Congo, et les troupes placĂ©es sous son commandement continuent Ă perpĂ©trer de graves exactions, comme rapportĂ©Â par Human Rights Watch.  «Lubanga ayant Ă©tĂ© reconnu coupable, le fait que Ntaganda soit toujours en libertĂ© est une trahison dâautant plus honteuse vis-Ă -vis des victimes »,a conclu GĂ©raldine Mattioli-Zeltner. « Les autoritĂ©s congolaises devraient immĂ©diatement arrĂȘter Ntaganda et le remettre Ă la CPI.» Le traitement de la situation en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo par la CPI â actuellement limitĂ© Ă un autre procĂšs impliquant deux dirigeants d'un groupe armĂ© opposant lâUPC en Ituri â ne sâattaque pas aux causes et Ă l'ampleur des crimes endurĂ©s par les civils Ă travers lâest du Congo. Selon Human Rights Watch, si la CPI veut contribuer efficacement Ă mettre un terme Ă l'impunitĂ© au Congo, le Bureau du procureur devrait engager de nouvelles poursuites, en particulier contre ceux qui ont armĂ©, financĂ© et dirigĂ© des groupes armĂ©s dans lâest du Congo. Le procĂšs Lubanga est la premiĂšre affaire ayant atteint la phase du jugement Ă la CPI. La cour a dĂ©marrĂ© ses activitĂ©s en 2003. Deux autres procĂšs, liĂ©s au Congo et Ă la RĂ©publique centrafricaine, sont en cours et les charges ont Ă©tĂ© confirmĂ©es dans deux autres affaires. Questions soulevĂ©es lors du premier procĂšs de la CPI En tant que premier procĂšs de la CPI, l'affaire Lubanga a fait Ćuvre de pionnier dans l'interprĂ©tation du traitĂ© et des procĂ©dures de la cour. Il sâagit du premier procĂšs international dans le cadre duquel des victimes ont Ă©tĂ© autorisĂ©es Ă participer aux procĂ©dures judiciaires au-delĂ du rĂŽle de tĂ©moins â une innovation importante prĂ©vue dans le traitĂ© de la CPI. La contribution des victimes participant Ă ce procĂšs a Ă©tĂ© positive, mais cette premiĂšre expĂ©rience a Ă©galement apportĂ© des enseignements pour les procĂšs futurs, a fait remarquer Human Rights Watch. En raison de problĂšmes de sĂ©curitĂ©, la plupart des tĂ©moins ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de certaines formes de protection et d'importantes parties du procĂšs ont eu lieu Ă huis-clos. Le procĂšs a mis en lumiĂšre les risques encourus par les victimes et les tĂ©moins en contact avec la cour, ainsi que l'importance d'un programme de protection efficace Ă la CPI. Le premier procĂšs de la CPI a dĂ» faire face Ă de nombreuses questions juridiques et procĂ©durales difficiles. Lâune dâelles mise en avant lors du procĂšs est lâutilisation par la cour dâ « intermĂ©diaires » â des personnes et organisations qui lâaident Ă mener ses diffĂ©rentes activitĂ©s (dans le cas du Bureau du procureur, qui lâaident Ă contacter les victimes et les tĂ©moins.) Ătant donnĂ© que la CPI opĂšre avec des ressources limitĂ©es dans plusieurs situations prĂ©sentant des diversitĂ©s culturelles et linguistiques et des conditions de sĂ©curitĂ© prĂ©caires, le recours Ă des intermĂ©diaires est souvent inĂ©vitable pour que la cour puisse exĂ©cuter son mandat efficacement. Ces intermĂ©diaires apportent une contribution fondamentale au travail de la cour et font face Ă dâimportants dĂ©fis en le faisant. Le procĂšs Lubanga a montrĂ© que les relations entre les intermĂ©diaires et la cour devraient ĂȘtre bien supervisĂ©es et rĂ©glementĂ©es, a soulignĂ© Human Rights Watch. Le procĂšs sâest heurtĂ© Ă un certain nombre de difficultĂ©s, et de nombreux observateurs et victimes se sont inquiĂ©tĂ©s de la trop longue durĂ©e du procĂšs. La CPI connaĂźt des pressions croissantes de la part de ses pays membres pour quâelle amĂ©liore son efficacitĂ©. Les enseignements du procĂšs Lubanga â en tenant compte de son caractĂšre unique en tant que premier procĂšs de la cour â devraient ĂȘtre examinĂ©s attentivement par les responsables de la cour, selon Human Rights Watch. D'autres procĂšs en cours Ă la CPI se dĂ©roulent dĂ©jĂ de façon plus aisĂ©e. Contexte LâIturi est une des zones les plus touchĂ©es par les guerres dĂ©vastatrices du Congo. Les rivalitĂ©s autour des mines d'or et des routes commerciales lucratives de la rĂ©gion â et l'argent, les armes et le pouvoir qui en rĂ©sultent â ont constituĂ© lâun des principaux facteurs contribuant aux conflits. Dans leurs luttes impitoyables pour sâemparer des mines d'or, les groupes armĂ©s tels que l'UPC de Lubanga ont souvent pris des civils pour cible. Un conflit armĂ© localisĂ© qui avait Ă©clatĂ© en 1999 entre les groupes ethniques Hema et Lendu a Ă©tĂ© exacerbĂ© par les forces militaires ougandaises qui ont occupĂ© la rĂ©gion de 1999 Ă 2003, ainsi que par la guerre congolaise dans son ensemble. Soutenues par des armĂ©es Ă©trangĂšres, les milices locales se sont multipliĂ©es et les conflits les opposant ont entraĂźnĂ© le massacre d'au moins 60 000 civils dans tout l'Ituri. La plupart des victimes ont Ă©tĂ© tuĂ©es lors de violences Ă motivation ethnique. Outre le Congo, le Procureur de la CPI a ouvert des enquĂȘtes dans six autres situations : le nord de lâOuganda, la rĂ©gion soudanaise du Darfour, la RĂ©publique centrafricaine, le Kenya, la Libye et la CĂŽte dâIvoire. Le Procureur mĂšne Ă©galement des examens prĂ©liminaires dans un certain nombre dâautres situations, notamment en Afghanistan, en Colombie, en GĂ©orgie, au NigĂ©ria et au Honduras.Â