CÔTE D'IVOIRE: TĂ©moins d’un massacre

Summary: En mars, quand les forces pro-Ouattara ont envahi le sud pour tenter de faire tomber Laurent Gbagbo, le conflit armé a provoqué pillages et violences, ce que beaucoup ici appellent un « rÚglement de comptes. »

(DANANE, 20 avril 2011) - Le 30 mars, des gens qui s’étaient rĂ©fugiĂ©s dans un bĂątiment de l’administration locale dans la ville de BlolĂ©quin, Ă  l’ouest de la CĂŽte d’Ivoire, Ă©taient en train de faire la cuisine, et les enfants en train de jouer. Le lendemain matin, les corps ensanglantĂ©s d’au moins 85 hommes, femmes et enfants Ă©taient empilĂ©s dans un couloir.

La CĂŽte d’Ivoire occidentale – une rĂ©gion de culture de cacao et de cafĂ© dont le pays dĂ©pend pour une bonne part de ses revenus d’exportation – est habitĂ©e par un mĂ©lange de groupes ethniques, dont certains viennent des pays voisins. Les litiges fonciers fondĂ©s sur des critĂšres ethniques empoisonnent les relations dans la rĂ©gion depuis longtemps.

En mars, quand les forces pro-Ouattara ont envahi le sud pour tenter de faire tomber Laurent Gbagbo, le conflit armé a provoqué pillages et violences, ce que beaucoup ici appellent un « rÚglement de comptes. »

Comme en 2002, quand les rebelles se sont emparĂ©s du nord de la CĂŽte d’Ivoire, la zone qui se situe juste au sud de leur territoire a Ă©tĂ©, au cours des derniers mois, la scĂšne d’affrontements, qui ont dĂ©placĂ© des dizaines de milliers de personnes. La semaine derniĂšre, des personnes dĂ©placĂ©es dans la ville de DananĂ© ont dit Ă  IRIN : « C’est notre deuxiĂšme guerre » ; beaucoup avaient fui leur maison pendant un an ou deux aprĂšs les combats de 2002.

Selon les travailleurs humanitaires, la complexitĂ© du contexte est l’un des principaux dĂ©fis en matiĂšre d’assistance aux communautĂ©s dĂ©placĂ©es et Ă  ceux qui tentent de retourner dans leur village d’origine.

BlolĂ©quin, qui se trouve juste au sud du territoire contrĂŽlĂ© pendant neuf ans par les rebelles anti-Gbagbo, est l’un des endroits qui en mars ont Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de massacres. Le nombre total de victimes n’est pas encore connu.

Marc*, 18ans, et certains membres de sa famille font partie des survivants. Son pĂšre est venu du Burkina Faso il y a 20 ans. La famille travaillait dans une plantation de cacao. Assis prĂšs de Marc, se trouvent d’autres survivants, qui ont tous des pansements recouvrant des blessures de balles ; c’est le cas de son pĂšre et d’un enfant de 10 ans qui a Ă©tĂ© blessĂ© par balles au visage : un pansement masque en partie la bouche du garçon, mais on voit Ă  ses yeux qu’il sourit.

« Ils suppliaient qu'on ait pitié d'eux »

« Nous Ă©tions endormis; il Ă©tait dans les 4 heures du matin, » a dit Marc a IRIN. « Il y avait eu des combats quand les Forces nouvelles [FN les forces pro-Ouattara] sont arrivĂ©es dans la ville, puis les FN se sont retirĂ©es et les groupes pro-Gbagbo ont pris la relĂšve. Ils sont arrivĂ©s au bĂątiment de la sous-prĂ©fecture [oĂč nous nous Ă©tions rĂ©fugiĂ©s depuis quelques semaines, aprĂšs avoir fui notre village qui n'est pas loin d'ici] Ils disaient qu'ils avaient entendu dire qu'il y avait ici des Ă©trangers et ils nous ont donnĂ© l'ordre de tous sortir.

Tout le monde avait peur et on Ă©tait entassĂ©s dans un couloir. DerriĂšre nous, un groupe d'hommes nous poussait vers l'avant vers une sortie, mais les gens se sont arrĂȘtĂ©s : ils avaient peur, car devant aussi, il y avait des hommes armĂ©s. Avec quelques-uns, nous nous sommes glissĂ©s pour nous cacher dans des piĂšces qui donnaient sur le couloir. Certains membres de ma famille Ă©taient par terre dans le couloir et des corps ne cessaient de leur tomber dessus.

Tout ce que j'ai entendu, ce sont les coups de feu, les cris et les pleurs. Les gens suppliaient qu'on ait pitié d'eux. Ceux qui tiraient ne disaient rien, ils ont juste continué à tirer. Ceux qui nous ont attaqués étaient des miliciens pro-Gbagbo et des Libériens que Gbagbo avait déployés dans le pays.

Quand les groupes armĂ©s ont Ă©tĂ© partis, les FN sont venues Ă  la sous-prĂ©fecture et ont hurlĂ© : « Est-ce qu'il y a des survivants ? » Alors, nous nous sommes relevĂ©s et ils nous ont dit de nous mettre Ă  marcher, qu'ils nous emmĂšneraient en camion. Nous avons commencĂ© Ă  marcher. Nous sommes allĂ©s Ă  pied Ă  Toulepleu [Ă  65 kilomĂštres]. Nous avions mal aux pieds, mal dans tout le corps. Puis les FN sont arrivĂ©es, on nous a mis dans un vĂ©hicule et on nous amenĂ©s ici Ă  DananĂ© et nous avons pu ĂȘtre soignĂ©s.

Un certain nombre de personnes ont survécu. Certaines sont retournées au Burkina, d'autres au Mali. Nous, nous sommes juste ici, à attendre. Nous n'avons rien. Tout ce que nous avions, nous l'avons laissé là-bas. Mais il paraßt qu'il y a des Guéré [un groupe ethnique qui, selon les survivants, sont alliés aux attaquants] autour de Bloléquin, dans la brousse, et ils sont armés. Ils sont encore là. »

 


Plus d'informations:

    pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=92535

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