CÔTE D'IVOIRE : Retour progressif des enfants Ă  l’école

Summary: La rentrĂ©e scolaire a eu lieu fin octobre en CĂŽte d’Ivoire, mais la reprise se fait lentement en raison des difficultĂ©s rencontrĂ©es par de nombreux Ă©lĂšves pour retourner Ă  l’école aprĂšs les violences postĂ©lectorales qui ont perturbĂ© les cours durant plusieurs mois dans de nombreux Ă©tablissements.

[Le 2 octobre 2011] - À l’ouest du pays, le long de la frontiĂšre libĂ©rienne, les Ă©tablissements situĂ©s entre les villages de Blolequin et de Toulepleu sont encore fermĂ©s, et de nombreux enfants ayant fui vers le LibĂ©ria ou d’autres rĂ©gions du pays avec leur famille ne sont toujours pas rentrĂ©s chez eux, a dit Paul Yao-Yao, coordonnateur du programme pour l’éducation de Save the Children Ă  Abidjan.

MĂȘme Ă  Abidjan, la capitale commerciale, le taux de prĂ©sence Ă©tait faible au moment de la rĂ©ouverture des classes le 27 octobre. À l’école primaire de la banlieue nord d’Abobo Baole, seuls 60 Ă©lĂšves se sont prĂ©sentĂ©s sur les 500 attendus ; certains professeurs ont fait classe devant 10 Ă©lĂšves seulement. Parmi les quatre Ă©coles primaires et secondaires visitĂ©es par IRIN Ă  Abidjan, toutes affichaient un taux de prĂ©sence infĂ©rieur Ă  50 pour cent des Ă©lĂšves attendus.

La plupart des Ă©lĂšves d’Abobo Baole sont issus de familles pauvres et leurs parents prĂ©voient de les renvoyer Ă  l’école Ă  partir du mois prochain, a dit Raoul Glao, le directeur de l’école primaire. Les Ă©coles publiques sont gratuites en CĂŽte d’Ivoire, de mĂȘme que l’inscription et les fournitures, mais l’uniforme obligatoire et certains documents administratifs requis pour l’inscription, tels que le certificat de naissance, demeurent Ă  la charge des parents.

Jennifer Hofmann, coordonnatrice de la section Ă©ducation (le cluster Ă©ducation) pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) Ă  Abidjan, a dit qu’il n’était pas rare que la rentrĂ©e des classes se fasse lentement, et qu’elle pouvait s’étaler sur deux Ă  trois semaines. Cette annĂ©e toutefois, de nombreux Ă©lĂšves ont dĂ©jĂ  pris du retard en raison des violences postĂ©lectorales qui ont Ă©clatĂ© en dĂ©cembre 2010.

La moyenne des rĂ©sultats aux examens nationaux a fortement diminuĂ©, a dit Kouadio MĂ©a, directeur des Ă©coles primaires et secondaires au ministĂšre de l’Éducation. Le taux de rĂ©ussite pour l’examen d’admission au secondaire Ă©tait de 57 pour cent l’an dernier, contre plus de 70 pour cent ces derniĂšres annĂ©es. Le taux de rĂ©ussite au baccalaurĂ©at est tombĂ© de 34 Ă  21 pour cent.

Rattraper le retard

Selon les estimations de l’UNICEF, environ 140 000 Ă©lĂšves inscrits Ă  l’école primaire publique n’ont pas pu terminer l’annĂ©e scolaire 2010-2011. De nombreux Ă©lĂšves d’écoles privĂ©es ont Ă©galement Ă©tĂ© touchĂ©s, leurs parents n’ayant pas les moyens de payer le dernier trimestre scolaire, a ajoutĂ© Mme Hofmann. Environ 20 000 Ă©lĂšves, principalement Ă  l’ouest du pays, ont manquĂ© l’examen d’entrĂ©e Ă  l’école secondaire.

Pas moins d’un million d’enfants sur les 2,5 millions d’élĂšves du primaire ont Ă©tĂ© affectĂ©s par les cinq mois de crise politique, soit parce que leur Ă©cole a fermĂ©, soit parce qu’ils ont fui avec leur famille, d’aprĂšs M. Yao-Yao.

Les Ă©coles du nord du pays, sous le contrĂŽle des rebelles Ă  l’époque, ont fermĂ© de janvier Ă  avril aprĂšs que le prĂ©sident Ă©lu Alassane Ouattara a appelĂ© les fonctionnaires Ă  cesser de collaborer avec le prĂ©sident sortant Laurent Gbagbo. Les Ă©coles du sud, alors sous le contrĂŽle du gouvernement sortant, ont fermĂ© en avril en raison des violences.

Dans un rapport publiĂ© en juin 2011, l’UNICEF rapporte 224 attaques menĂ©es contre le systĂšme Ă©ducatif, dont la moitiĂ© Ă  Abidjan. Dans certains cas, des Ă©coles ont Ă©tĂ© visĂ©es aprĂšs avoir servi de lieux de rassemblement politique ou en raison du soutien accordĂ© par certains professeurs Ă  M. Gbagbo.

« À l’ouest du pays, nous avons constatĂ© des cas de reprĂ©sailles contre des Ă©coles considĂ©rĂ©es comme partisanes durant la campagne prĂ©sidentielle », a dit Mme Hofmann.

D’aprĂšs l’UNICEF, prĂšs de 97 pour cent des Ă©coles primaires publiques avaient rouvert leurs portes en juin 2011 et 86 pour cent des Ă©lĂšves avaient repris les cours, mais dans les villes de Divo, Man et OdiennĂ©, Ă  l’ouest du pays, moins de 70 pour cent des Ă©lĂšves Ă©taient retournĂ©s en classe.

Le retard peut parfois ĂȘtre dur Ă  rattraper. « J’ai dĂ» travailler dur tout l’étĂ© pour ne pas redoubler », a dit Mamoudou Sako, 14 ans, qui vient d’entamer sa quatriĂšme annĂ©e de secondaire Ă  Abidjan. Cinq de ses anciens camarades de classe ont redoublĂ© leur annĂ©e et trois autres ne sont pas encore rentrĂ©s aprĂšs avoir fui la ville.

D’aprĂšs M. MĂ©a, le ministĂšre de l’Éducation a fait tout ce qui Ă©tait en son pouvoir pour aider les Ă©lĂšves. « Nous avons prolongĂ© l’annĂ©e scolaire jusqu’à la fin juillet, ce qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© suffisant pour certains Ă©lĂšves dans certaines Ă©coles, mais pas pour d’autres qui ont manquĂ© quatre mois de cours ».

Surmonter le traumatisme

Jeanne Acquah, professeure de littĂ©rature au LycĂ©e Moderne, dans le quartier de Treichville Ă  Abidjan, a dit qu’il n’était pas facile pour les Ă©lĂšves de retourner Ă  la vie scolaire aprĂšs plusieurs semaines de guerre. « Mes Ă©lĂšves Ă©taient trĂšs stressĂ©s lorsque l’école a rouvert en mai dernier », a-t-elle remarquĂ©.

Mamoudou, qui Ă©tudie au LycĂ©e Moderne, confirme que ses amis et lui ont trouvĂ© la reprise difficile. « Mes amis et moi Ă©tions vraiment traumatisĂ©s par les frappes Ă  l’artillerie lourde et le bruit incessant des kalachnikovs ».

Il a dit qu’il avait souhaitĂ© parler de cette expĂ©rience, mais que les professeurs n’avaient pas voulu aborder le sujet. « Nous avons seulement respectĂ© une minute de silence lorsque les professeurs ont dit : ‘Ce qui s’est passĂ© appartient au passĂ©, nous devons aller de l’avant’».

L’UNICEF a tentĂ© de s’attaquer au phĂ©nomĂšne en formant plus de 5 000 professeurs de huit rĂ©gions diffĂ©rentes Ă  identifier les signes de traumatisme chez les enfants qui ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  la violence lors de la crise et Ă  promouvoir des activitĂ©s de loisirs pour aider les jeunes Ă  s’en sortir.

« Certains enfants ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s ou ont vu leurs parents se faire tuer », a dit M. Yao-Yao. « Il est Ă©vident qu’ils ont vĂ©cu des traumatismes ».

pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=94134

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