COTE D’IVOIRE : PremiĂšre condamnation de neuf exciseuses pour dĂ©courager les MGF

Summary: La condamnation Ă  Katiola, dans le nord de la CĂŽte d’Ivoire, de neuf exciseuses, devrait permettre de rĂ©duire les mutilations gĂ©nitales fĂ©minines (MGF) dans le pays, estime l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (ONEF) qui lutte contre cette pratique.

 [23 juillet 2012] - Reconnues coupables de mutilation gĂ©nitale opĂ©rĂ©e en fĂ©vrier sur une trentaine de fillettes de 10 Ă  15 ans, les neuf femmes exciseuses ĂągĂ©es de 46 Ă  91 ans ont Ă©tĂ© condamnĂ©es, le 18 juillet, Ă  un an de prison et Ă  une amende de 50.000 francs CFA (environ 100 dollars). Cette condamnation est une premiĂšre en CĂŽte d’Ivoire alors qu’une loi interdisant les MGF a Ă©tĂ© votĂ©e dans le pays depuis 1998.
"Nous attendions cela depuis longtemps pour donner un coup d’accĂ©lĂ©rateur au combat que nous menons contre ce flĂ©au. La phase de sensibilisation est terminĂ©e, il faut sanctionner", explique Ă  IPS, Rachel Gogoua, la prĂ©sidente de l’ONEF, une organisation non gouvernementale basĂ©e Ă  Abidjan, la capitale Ă©conomique ivoirienne.
Selon Gogoua, les coupables devraient ĂȘtre emprisonnĂ©es pendant au moins une ou deux semaines afin que cela serve de leçon Ă  la confrĂ©rie des exciseuses prĂ©sente dans plusieurs rĂ©gions de ce pays d’Afrique de l’ouest. Mais, en raison de leurs Ăąges avancĂ©s, le tribunal de Katiola a dĂ©cidĂ© de ne pas incarcĂ©rer les exciseuses condamnĂ©es.
"Il y a une loi qui a Ă©tĂ© votĂ©e depuis 1998 pour interdire ces pratique et pour laquelle nous avons sensibilisĂ© les populations. Finalement, nous sous nommes rendu compte que ces femmes se moquaient de nous. Elles Ă©taient bien informĂ©es, mais elles dĂ©fient l’autoritĂ© sous le prĂ©texte des us et coutumes", indique la prĂ©sidente de l’ONEF.
Pour la ministre ivoirienne de la Famille de la Femme et de l’Enfant, Raymonde Goudou Coffie, cette premiĂšre sanction dans l’histoire de la lutte contre les MGF dans le pays n’est qu’un dĂ©but. DĂ©sormais, affirme-t-elle, toutes les dispositions de loi seront appliquĂ©es Ă  toute pratique qui porte atteinte Ă  la dignitĂ© humaine, et singuliĂšrement Ă  celle de la femme.
Les MGF sont une pratique encore courante en CĂŽte d’Ivoire, souligne le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). En 2006, se rĂ©fĂ©rant aux derniĂšres enquĂȘtes, l’UNICEF estimait que le pays Ă©tait l’un des plus touchĂ©s par la pratique en Afrique avec 36 pour cent de femmes excisĂ©es en CĂŽte d’Ivoire.
Les zones les plus touchĂ©es sont le nord et nord-ouest du pays avec un taux de prĂ©valence de 88 pour cent, et l'ouest avec 73 pour cent, selon l’UNICEF.
En dĂ©pit des nombreuses campagnes de sensibilisation et de la promesse des exciseuses, la pratique n’a jamais cessĂ©. "Chez nous les WobĂ© (une ethnie de l’ouest), c’est une honte de se faire appeler ZoĂ©gbĂ© (femme non excisĂ©e)", dĂ©clare CĂ©cile Gnowahou, 26 ans, excisĂ©e depuis l’ñge de 11 ans.
"Vous n’avez pas le droit au mariage et vous ĂȘtes souvent la risĂ©e du village. Dans ces conditions, nos parents perçoivent le message de la sensibilisation, mais la rĂ©alitĂ© culturelle prend toujours le dessus. C’est une coutume qui existe depuis nos arriĂšres grands-parents", explique-t-elle Ă  IPS.
Gnowahou reconnaĂźt toutefois ne pas s’ĂȘtre remise de son excision. "Non seulement je n’ai pas pu me marier au village Ă  la suite des saignements que j’ai eus, mais aujourd’hui, un homme qui constate mon Ă©tat de femme excisĂ©e, me rejette automatiquement", regrette-t-elle.
Une mutilation gĂ©nitale fĂ©minine est une ablation totale ou partielle des organes gĂ©nitaux externes de la femme, selon l’Organisation mondiale de la santĂ©. Elle peut toucher la vulve, les grandes et les petites lĂšvres, le clitoris, le prĂ©puce ainsi que les orifices urinaires et vaginaux.
"L’excision cause beaucoup plus de dommage que l’on ne le pense. Il y a parfois mort de la victime. Et ce sont des choses qui sont rĂ©glĂ©es Ă  l’amiable entre les familles", dĂ©plore Gnowahou, estimant que si la loi est appliquĂ©e, il n’y a pas de raison que cela ne fasse pas reculer l’excision.
Originaire de Marandallah (nord), oĂč neuf femmes sur dix sont excisĂ©es, selon l’UNICEF, MassandjĂ© TimitĂ©, 33 ans, dit ne pas toujours comprendre l’entĂȘtement des gens Ă  poursuivre l’excision, dont elle-mĂȘme a Ă©tĂ© victime.
"La douleur de l’excision, je la ressens jusqu’à ce jour. Lorsque j’en parle, je coule pratiquement des armes, tellement le choc a Ă©tĂ© terrible. La blessure a encore du mal Ă  se refermer et chaque jour qui passe, j’ai peur", raconte-t-elle Ă  IPS. Elle affirme avoir vĂ©cu cette situation il y a 15 ans en compagnie de trois autres filles de son Ăąge.
Selon TimitĂ©, il est trop lĂ©ger que la question de la tradition soit chaque fois Ă©voquĂ©e pour justifier la poursuite de cette pratique. "Lorsque l’excision est mal exĂ©cutĂ©e, comme ce fut mon cas, il ne se trouve personne pour vous venir en aide. Alors, la tradition approuve-t-elle qu’une femme perde ce qui lui permet de donner la vie?", demande TimitĂ©.

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=7137

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