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Summary: ABIDJAN, 28 sep (IPS) - Parents dâĂ©lĂšves, enseignants et partenaires de lâĂ©cole en CĂŽte dâIvoire veulent engager ensemble, Ă partir de cette annĂ©e scolaire 2010-2011, une lutte contre les grossesses de jeunes filles Ă©lĂšves: un phĂ©nomĂšne croissant dans le pays ces derniĂšres annĂ©es.
Deux semaines aprĂšs la rentrĂ©e scolaire, IPS assiste Ă un cours dâĂ©ducation civique et morale du jour, dispensĂ© en classe de cinquiĂšme (deuxiĂšme annĂ©e du secondaire) au collĂšge Saint-Pierre Kant de Yopougon, au nord dâAbidjan, la capitale Ă©conomique ivoirienne. LâĂ©ducateur de niveau (responsable des classes de mĂȘme niveau) est prĂ©sent dans la classe, en plus de lâenseignant titulaire. Le sujet sur la sexualitĂ© provoque des grimaces chez certains Ă©lĂšves, mais les encadreurs se montrent rigoureux. "Il y va de votre avenir", lance sĂšchement aux Ă©lĂšves, lâenseignant Martin KouamĂ©. "Autant, cette question ne doit plus ĂȘtre un tabou en classe, autant vous devez en discuter entre vous et mĂȘme en famille", rappelle-t-il, indiquant: "Beaucoup dâentre vous nâachĂšvent pas gĂ©nĂ©ralement lâannĂ©e scolaire en raison de grossesses non dĂ©sirĂ©es, quand dâautres risquent leur vie avec des avortements. Voulez-vous connaĂźtre le mĂȘme sort?", demande-t-il. "Non!", rĂ©pondent en chĆur les 65 Ă©lĂšves de la classe, dont 27 filles. "Si nous avons choisi dâappuyer lâĂ©ducation sexuelle dans les classes, câest quâil y a urgence", explique Ă IPS, lâĂ©ducateur Florent KonĂ©, ajoutant que "Chaque annĂ©e, nous enregistrons une courbe croissante des jeunes filles en grossesse, notamment au premier cycle. Et les cas dâabandons scolaires sont nombreux". Selon KonĂ©, le collĂšge Saint-Pierre Kant a enregistrĂ© 12 cas de grossesse lors de lâannĂ©e scolaire 2007-2008, avant dâatteindre 25 en 2008-2009, puis 30 en 2009-2010. Il a indiquĂ© que 40 pour cent de tous ces cas avaient mis un terme Ă leur cursus scolaire. "En plus de la promotion faite pour lâutilisation du prĂ©servatif, nous avons choisi cette annĂ©e de sensibiliser nos Ă©lĂšves Ă la contraception dâurgence avec la 'pilule du lendemain'", affirme KonĂ©. Lors dâune rĂ©union Ă la rentrĂ©e, la direction de lâĂ©tablissement a pris soin dâinformer les parents dâĂ©lĂšves. "Nous avons Ă©tĂ© instruits de cette mĂ©thode que nous avons approuvĂ©e", explique-t-il. La mĂ©thode leur a Ă©tĂ© enseignĂ©e par lâAgence ivoirienne de marketing social (AIMAS), une organisation non gouvernementale (ONG) basĂ©e Ă Abidjan. "Alors, nous attendons des parents quâils mettent Ă la disposition de leurs enfants les moyens dâacheter soit des prĂ©servatifs, soit des pilules de lendemain", souligne KonĂ©. LâAIMAS est une ONG promotrice de la pilule de lendemain "PrĂ©gnon" quâelle prĂ©conise aux jeunes Ă©lĂšves. Dâun coĂ»t de 760 francs (environ 1,5 dollar), la boĂźte de "PrĂ©gnon" est six fois moins chĂšre que les pilules ordinaires qui reviennent gĂ©nĂ©ralement Ă 3.940 FCFA (prĂšs de 7,8 dollars). Selon lâAIMAS, une jeune fille doit utiliser la pilule du lendemain dans les cinq jours qui suivent un rapport sexuel non ou mal protĂ©gĂ© et Ă n'importe quel moment du cycle menstruel. Ou alors elle se fait insĂ©rer un dispositif intra utĂ©rin dans les sept jours qui suivent ce rapport. Ces deux mĂ©thodes en phase expĂ©rimentale ont permis de toucher 13 pour cent de la cible (jeunes filles de 15 Ă 24 ans) au cours de lâannĂ©e scolaire 2009-2010. "Le mal des grossesses en milieux scolaires prend ces racines Ă plusieurs niveaux de la sociĂ©tĂ©. Il est donc primordial que la lutte soit concertĂ©e (entre parents, Ă©lĂšves, Ă©ducateurs, et enseignants), mais quâelle soit surtout trĂšs suivie Ă lâĂ©cole comme en dehors", estime Cyril KouamĂ©, un sexologue Ă Abidjan. Il soutient, par ailleurs, que les mĂ©thodes de lutte ne doivent pas ĂȘtre privilĂ©giĂ©es les unes par rapport aux autres, mais quâelles doivent plutĂŽt se complĂ©ter afin dâaboutir Ă des rĂ©sultats probants. "Il nây a pas de moyens de trop pour faire face Ă cette rĂ©alitĂ©", explique Ă IPS, Françoise Adom, 52 ans, mĂšre de quatre filles. "Avec mes enfants, jâai tentĂ© la sensibilisation, mais les trois premiĂšres ont dĂ©jĂ enfantĂ© et abandonnĂ© les bancs. Sâil faut mettre la derniĂšre sous la pilule, je nâhĂ©siterai pas", dit-elle. Plusieurs parents dĂ©clarent ne pas pouvoir expliquer les causes de lâexplosion du phĂ©nomĂšne des grossesses dans les Ă©tablissements scolaires. En effet, selon la directrice du Programme national de santĂ© scolaire et universitaire (PNSSU), Clotilde Diango, environ 5.000 cas de grossesses non dĂ©sirĂ©es sont enregistrĂ©s en CĂŽte dâIvoire chaque annĂ©e scolaire depuis trois ans. ConsĂ©quence : deux tiers de ces cas abandonnent dĂ©finitivement les Ă©tudes. Selon le PNSSU, les pics alarmants ont Ă©tĂ© signalĂ©s Ă Bondoukou (est du pays) en 2007 avec 239 cas dont 169 au premier cycle du secondaire, et 52 au cours primaire; Ă Aboisso (sud-est) en 2009 avec 99 cas; Ă San-Pedro (sud-ouest) en 2009 avec 87 cas; et Ă Bocanda (centre) et TengrĂ©la (nord) en 2010, avec respectivement 48 et 13 cas enregistrĂ©s au premier cycle. A San-Pedro, 29 des 87 filles concernĂ©es ont repris leurs Ă©tudes cette annĂ©e, soit 30 pour cent, tandis quâĂ Aboisso, elles sont 53 â sur les 99 - Ă ĂȘtre revenues sur les bancs, soit 53,3 pour cent, selon le PNSSU. A 16 ans, Miriam porte une grossesse de huit mois. Elle nâa pu se prĂ©senter en juillet dernier Ă son examen de Brevet dâĂ©tudes du premier cycle, en raison de complications intervenues dĂšs le troisiĂšme mois. "Jâai des regrets, mais le mal est fait", admet Miriam. "Je ne cesse de demander Ă mes camarades dâĂ©viter les comportements sexuels Ă risque. Pour moi, mĂȘme sâil y a de lâespoir Ă retrouver lâĂ©cole dans un an, je prĂ©fĂšre dĂ©jĂ penser Ă autre chose", dĂ©clare-t-elle Ă IPS, le regard perdu. (FIN/2010)
pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6129