CÔTE D'IVOIRE: Le besoin le plus urgent c’est la nourriture, ensuite, les moustiquaires

Summary: Dans certains quartiers d’Abidjan, la principale ville de la CĂŽte d’Ivoire, les Ă©difices et les visages conservent des traces de la guerre. Les habitants se demandent quand leurs enfants pourront de nouveau manger Ă  leur faim.

(Le 16 juin 2011) - « Nous sommes dans un enfer sur terre », a dit Rodrigue AssiĂ© Kah, un enseignant de la commune de Yopougon. « Je n’ai pas d’emploi et j’ai six bouches Ă  nourrir ». M. AssiĂ© est assis seul devant un immeuble d’habitation qui a partiellement brĂ»lĂ© lorsque les forces du gouvernement sont rĂ©cemment venues y chercher des individus appartenant Ă  des groupes pro-Gbagbo.

M. AssiĂ©, 50 ans, avait prĂ©vu de prendre sa retraite dans deux ans, mais il n’a pas Ă©pargnĂ© suffisamment d’argent pour cesser de travailler tout de suite. L’école privĂ©e oĂč il est employĂ© est fermĂ©e depuis le dĂ©but des violences postĂ©lectorales.

M. AssiĂ© possĂšde au moins une chambre, mĂȘme si elle a Ă©tĂ© complĂštement vidĂ©e par les pillages gĂ©nĂ©ralisĂ©s. Des centaines de familles n’ont mĂȘme plus d’endroit oĂč aller. Dans certaines rĂ©gions, les maisons ont Ă©tĂ© dĂ©truites par les tirs d’artillerie.

À Yopougon et Abobo – deux communes qui ont Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de violents affrontements –, les moyens de subsistance de nombreuses personnes ont Ă©tĂ© dĂ©truits au mĂȘme titre que leur foyer, selon l’organisation non gouvernementale (ONG) SolidaritĂ©s International.

L’organisation Ă©value actuellement la situation en fonction de plusieurs critĂšres, et notamment la sĂ©curitĂ©, l’eau/assainissement, la santĂ© et l’hĂ©bergement, Ă  Abidjan et dans d’autres rĂ©gions du pays affectĂ©es par le conflit.

Un repas par jour

À Abobo, prĂšs de la moitiĂ© des 573 mĂ©nages interrogĂ©s ont dit n’avoir aucune source de revenu. Selon l’évaluation rĂ©alisĂ©e par SolidaritĂ©s, environ 40 de ces familles ont perdu leur moyen de subsistance Ă  cause des troubles postĂ©lectoraux. Quarante pour cent d’entre elles ont dit qu’elles Ă©taient passĂ©es de trois repas par jour Ă  un seul.

Parmi les personnes interrogĂ©es Ă  Yopougon, le nombre de familles ne prenant qu'un seul repas par jour a Ă©tĂ© multipliĂ© par sept depuis le dĂ©but de la crise. Les habitants de la commune dĂ©pensent en moyenne 36 pour cent plus qu’avant pour les denrĂ©es alimentaires de base. À Abobo, un kilo de riz coĂ»te dĂ©sormais 0,88 dollar contre 0,55 dollar avant la crise ; le sucre est passĂ© de 6,17 dollars Ă  7,05 dollars ; les tomates sont quatre fois plus chĂšres ; et le prix du poisson frais a presque doublĂ©.

« De nombreuses familles ont tout perdu », a dit Rolland Gueneau, chef de mission de SolidaritĂ©s International en CĂŽte d’Ivoire. Il a ajoutĂ© que la solidaritĂ© du peuple ivoirien Ă©tait « admirable » et que les habitants se venaient mutuellement en aide, mais que le fardeau Ă©conomique Ă©tait de plus en plus lourd.

« Le besoin le plus urgent c’est la nourriture, ensuite, les moustiquaires ».

« La plupart des familles prennent un seul repas par jour – il s’agit gĂ©nĂ©ralement de `garba’ [un plat Ă  base de poisson et de manioc] », a dit Ă  IRIN Albertine Anoh, une infirmiĂšre de 28 ans.

« Pour le moment, on ne se permet pas de vivre comme avant », a-t-elle ajoutĂ©. Son mari a perdu plusieurs vĂ©hicules de transport public Ă  cause des combats, et le mĂ©nage n’a pratiquement plus de revenu.

Yopougon et la réconciliation

Les observateurs estiment qu’il faudra du temps Ă  la population pour se remettre du conflit, en particulier dans des endroits comme Yopougon, dont de nombreux quartiers Ă©taient les bastions des partisans de Laurent Gbagbo, qui est actuellement emprisonnĂ©.

« S’il doit y avoir des bases d’une vraie rĂ©conciliation [en CĂŽte d’Ivoire], c’est Ă  Yopougon que cela peut partir», a dit Ă  IRIN l’analyste politique ivoirien Romain Kacou. Il a ajoutĂ© que M. Gbagbo bĂ©nĂ©ficiait du soutien d’une partie importante de l’électorat. « Il est donc important que la commune tienne une place prĂ©pondĂ©rante dans le processus de paix ».

Des milliers de personnes dĂ©placĂ©es Ă  Abidjan et dans d’autres rĂ©gions du pays ont dit Ă  SolidaritĂ©s qu’elles ignoraient quand elles pourraient retourner chez elles. L’incertitude actuelle reprĂ©sente un vĂ©ritable dĂ©fi pour les organisations d’aide humanitaire.

« Il est difficile de savoir comment la situation va Ă©voluer et quand les gens pourront retourner chez eux. Il ne s’agit pas d’une science exacte », a dit M. Gueneau, de l’ONG SolidaritĂ©s. « Et nous ne savons pas ce que demain nous rĂ©serve. Nous devons faire bien attention de ne pas pousser les gens Ă  rentrer chez eux s’ils ne sont pas prĂȘts Ă  le faire ».

Un jeune homme qui a demandĂ© l’anonymat a dit qu’il avait rĂ©cemment descendu une route familiĂšre de Yopougon qu’il n’avait pas empruntĂ©e depuis les troubles postĂ©lectoraux. « Je vous le dis : Yopougon n’est plus la mĂȘme. On voit partout des impacts de balles et les quartiers sont dĂ©sertĂ©s. La guerre, c’est terrible ».

pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=92996

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.