CORNE DE L’AFRIQUE: SĂ©cheresse et VIH - un cocktail explosif

Summary: Tandis que les organisations humanitaires s’efforcent de fournir des vivres Ă  plus de 11,6 millions d’affamĂ©s dans la Corne de l’Afrique, les experts craignent les consĂ©quences plus vastes que risque d’engendrer le manque de vivres, notamment sur la santĂ© des personnes sous traitement VIH.

Voici quelques-unes des répercussions possibles de la sécheresse sur les personnes atteintes du VIH et sur les efforts de prévention : 

InsĂ©curitĂ© alimentaire – Pour conserver le mĂȘme poids et le mĂȘme niveau d’activitĂ© physique, les personnes sĂ©ropositives asymptomatiques doivent dĂ©penser 10 pour cent d’énergie en plus, selon l’organisation mondiale de la santĂ© (OMS). Ce pourcentage peut s’élever Ă  20-30 pour cent chez les adultes symptomatiques et atteindre 50 Ă  100 pour cent chez les enfants sĂ©ropositifs prĂ©sentant une perte de poids. 

Le manque de nourriture est un obstacle communĂ©ment admis Ă  l’efficacitĂ© de la thĂ©rapie antirĂ©trovirale (ARV) ; une étude menĂ©e en Ouganda, en 2010 a notamment rĂ©vĂ©lĂ© que les ARV aiguisaient l’appĂ©tit des patients interrogĂ©s. Ces derniers ont Ă©galement rapportĂ© qu’un manque de nourriture augmentait les effets secondaires des ARV (notamment les maux de tĂȘte, les douleurs abdominales, les vertiges, les tremblements, la baisse d’énergie, les Ă©vanouissements et la tachycardie). 

De nombreux participants ont dit souhaiter interrompre le traitement ARV ou le reporter jusqu’à ce qu’ils aient les moyens de suivre un rĂ©gime alimentaire plus riche. Or, les recherches ont montrĂ© que le taux de survie des patients atteints du VIH Ă©tait bien meilleur lorsque la thĂ©rapie ARV Ă©tait commencĂ©e  rapidement. 

Les mĂšres sĂ©ropositives peuvent en outre se trouver contraintes de nourrir leurs bĂ©bĂ©s d’un mĂ©lange de lait maternel et d’aliments solides, quand ceux-ci devraient idĂ©alement ĂȘtre nourris exclusivement au lait maternel pour rĂ©duire le risque de transmission du VIH. 

AccĂšs Ă  l’eau salubre – Les communautĂ©s pastorales se trouvent souvent contraintes de boire la mĂȘme eau que leur bĂ©tail, ce qui les expose davantage au risque de contracter des maladies hydriques. 

Or, les personnes sĂ©ropositives ont plus de difficultĂ© Ă  rĂ©sister aux maladies diarrhĂ©iques, aux affections dermatologiques et autres infections opportunistes, et Ă  s’en remettre. 

En outre, les personnes atteintes du VIH risquent d’ĂȘtre trop faibles pour parcourir de longues distances Ă  pied pour aller chercher de l’eau et la transporter jusqu’à leur domicile ; les foyers dirigĂ©s par des personnes ĂągĂ©es ou des enfants orphelins du VIH risquent Ă©galement de ne pas pouvoir avoir d’accĂšs Ă  l’eau salubre. 

Selon les recommandations des Nations Unies, chaque personne devrait utiliser 20 à 50 litres d’eau chaque jour pour boire, cuisiner et se laver. 

Violences sexuelles – Dans bon nombre de rĂ©gions de la Corne de l’Afrique, ce sont les femmes qui effectuent la majoritĂ© des tĂąches mĂ©nagĂšres ; ce sont elles, par exemple, qui vont chercher l’eau et ramasser du bois. Or, les femmes et les filles parcourent de longues distances Ă  pied pour aller chercher de l’eau et risquent d’ĂȘtre agressĂ©es sexuellement en chemin. 

Pour les rĂ©fugiĂ©es qui se dĂ©placent Ă  pied ou en stop de la Somalie au Kenya voisin, le risque de viol est bien rĂ©el. Le 12 juillet, l’organisation non gouvernementale (ONG) CARE International a rapportĂ© qu’au camp de rĂ©fugiĂ©s de Dadaab, au Kenya (oĂč quelque 3 500 Somaliens arrivent chaque jour), le nombre de cas dĂ©clarĂ©s de violences sexuelles et liĂ©es au sexe avait augmentĂ©, pour passer de 75 entre janvier et juin 2010 Ă  358 au cours de la mĂȘme pĂ©riode, en 2011. 

Selon CARE, les femmes (dont bon nombre voyagent seules avec leurs enfants) sont particuliĂšrement en danger pendant qu’elles se dĂ©placent. La surpopulation observĂ©e dans les camps de rĂ©fugiĂ©s compromet Ă©galement le bon fonctionnement des mĂ©canismes de protection habituels. 

Enfin, s’il est possible de recevoir une prophylaxie post-exposition dans des camps tels que celui de Dadaab, les populations ne sont pas bien informĂ©es Ă  ce sujet et bon nombre de viols ne sont pas dĂ©clarĂ©s. 

Rapports sexuels transactionnels – En situation d’urgence humanitaire, des femmes prĂȘtes Ă  tout pour survivre ont souvent recours Ă  des moyens dĂ©sespĂ©rĂ©s afin d’obtenir de quoi manger pour elles-mĂȘmes et leurs familles. 

Une Ă©tude menĂ©e en 2007 par l’Overseas Development Institute dans la rĂ©gion toujours aride de Turkana, au nord-est du Kenya, a ainsi rĂ©vĂ©lĂ© que les effets de la sĂ©cheresse amenaient bon nombre de jeunes femmes et d’orphelins Ă  vendre leur corps pour survivre. 

Une fois loin de leurs familles et de leurs communautĂ©s, il est plus facile aux habitants de Turkana partis en grand nombre s’installer ailleurs (gĂ©nĂ©ralement dans d’autres zones urbaines et semi-urbaines) d’avoir des rapports sexuels transactionnels, selon les conclusions de l’étude. 

S’il n’est pas facile de se procurer des prĂ©servatifs, ou si ceux-ci ne sont pas utilisĂ©s rĂ©guliĂšrement, les rapports sexuels transactionnels augmentent le risque de contracter le VIH. 

Migrations – Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), «les migrations ne sont pas en soi un risque pour la santĂ©, mais les conditions entourant le processus migratoire peuvent entraĂźner un accroissement de la vulnĂ©rabilitĂ© aux problĂšmes de santĂ©. Cela est particuliĂšrement vrai pour les personnes qui migrent de maniĂšre involontaire en fuyant les catastrophes et les crises humanitaires, ou qui se retrouvent dans des situations irrĂ©guliĂšres ou dans des circonstances oĂč elles sont exploitĂ©es. » 

Selon l’OIM, bon nombre de facteurs sous-jacents Ă  l’origine des migrations (notamment la rĂ©partition inĂ©gale des ressources et l’instabilitĂ© socioĂ©conomique) augmentent Ă©galement le risque de contraction du VIH auquel sont exposĂ©s les migrants et leurs familles. 

Les femmes immigrĂ©es sont particuliĂšrement exposĂ©es au risque d’ĂȘtre exploitĂ©es sexuellement ou contraintes de consentir Ă  des rapports sexuels en Ă©change de nourriture ou d’un abri, ou mĂȘme d’ĂȘtre forcĂ©es par des policiers sans scrupules Ă  avoir des rapports sexuels sous peine d’ĂȘtre arrĂȘtĂ©es ou expulsĂ©es. 

Chez les personnes sous traitement, un dĂ©placement soudain risque Ă©galement de compromettre l’observance des traitements, car la stigmatisation peut dissuader les personnes atteintes d’aller se faire soigner dans des centres de santĂ© qu’elles ne connaissent pas. 

AccĂšs aux services VIH – Alors que plusieurs millions de personnes risquent de mourir de faim, les services de santĂ© limitĂ©s assurĂ©s dans la Corne de l’Afrique fonctionnent au maximum de leurs capacitĂ©s, et les travailleurs de la santĂ©, dĂ©bordĂ©s, risquent de ne pas pouvoir consacrer autant de temps qu’il le faudrait aux personnes atteintes du VIH. 

Nombre de personnes atteintes du VIH dĂ©pendent Ă©galement des rĂ©seaux de soutien ; or, en situation d’urgence, ceux-ci peuvent Ă©clater lorsque leurs membres se dĂ©placent en quĂȘte de nourriture, ou succombent Ă  la faim ou aux maladies. Les rĂ©seaux de soins Ă  domicile risquent Ă©galement de s’effondrer ou d’ĂȘtre affaiblis par les effets de la sĂ©cheresse. 

Les rĂ©fugiĂ©s clandestins risquent de ne pas avoir accĂšs aux services de santĂ©, notamment aux services VIH ; en effet, nombre d’entre eux ne souhaitent pas ĂȘtre inscrits sur les registres des hĂŽpitaux nationaux de crainte d’ĂȘtre dĂ©couverts et expulsĂ©s. Dans le pays d’accueil, la barriĂšre de la langue empĂȘche Ă©galement les rĂ©fugiĂ©s d’obtenir des informations essentielles sur la prĂ©vention, les soins et le traitement du VIH/SIDA. 

pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=93379

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