CHINE : Les violences de la politique de l'enfant unique continuent d'être taboues

Summary: Les mesures draconiennes du planning familial, mélange de persuasion et de coercition, ont été en Chine la source de multiples conflits depuis l'entrée en vigueur de la politique de l'enfant unique en 1980.

[3 November 2011] - Notamment quand les cadres locaux soucieux de ne pas être pénalisés – les résultats du planning familial sont un critère majeur de promotion au sein du parti – lancent des campagnes de rectification des statistiques qui conduisent aux pires violences.

A Linyi, dans le Shandong, le militant aveugle Chen Guangcheng a rassemblé en 2005, avec l'aide de deux juristes pékinois, Teng Biao et Guo Yushan, des dizaines de témoignages sur les violences subies par les familles dans lesquelles une femme tentait d'accoucher hors quota, souvent en se rendant dans une autre région. Juriste autodidacte, Chen Guangcheng était une figure locale auprès de qui les paysans prenaient conseil quand ils s'estimaient victimes d'une injustice. Jeté quatre ans en prison en 2006 sous prétexte d'avoir "perturbé la circulation" et "nuit au maintien de l'ordre public", il fut libéré en 2010, mais est aujourd'hui encore séquestré chez lui, avec sa famille, en représailles de son rôle de sonneur d'alarme.

Le rapport auquel a participé Chen Guangcheng, intitulé "Note d'enquête sur le planning familial à Linyi", de Teng Biao, est en ligne, en chinois. Voici une traduction de quelques-uns des témoignages rassemblés par les enquêteurs : Fang Zhongxia habite le village de Xiajiagou (bourg de Liangqiu, comté de Feixian, ville de Linyi). Elle a eu deux filles, puis s'est fait poser un anneau de contraception. Elle est partie travailler dans une autre région. Pendant ce temps, elle est de nouveau tombée enceinte. Les personnels du planning familial se lancent à sa recherche.

Pour la faire revenir, ils arrêteront en tout vingt-deux personnes dont trois enfants, une femme enceinte et une femme de 70 ans. Ils seront maltraités et doivent payer au moins 1 000 yuans pour être libérés (114 euros). Finalement, Fang Zhongxia revient au village alors qu'elle en est à 7 mois de grossesse. Elle se fait avorter. Puis se fait ligaturer les trompes. Ce n'est qu'à ce moment que sa tante, qui avait été séquestrée, est libérée.

Song Houhua, 60 ans, habite le village de Maxiagou, également dans le bourg de Liangqiu. Sa belle-fille Liu Shanhua a eu un fils et n'a pas le droit d'avoir un second enfant. Mais elle découvre qu'elle est enceinte de 5 mois, en novembre 2004. Liu Shanhua dit n'avoir pris aucun médicament et les bilans de santé ne l'ont pas découvert plus tôt. Elle se cache, mais sa belle-mère Song Houhua est alors arrêtée en plein hiver. On lui demande payer 3 000 yuans pour sortir, mais elle n'en a que 500. Elle sera séquestrée une nouvelle fois pendant vingt-six jours, avec son frère de 65 ans, sa belle-sœur et ses voisins. Les agents du planning familial lui demandent de battre son frère. Elle refuse. Ils demandent à son frère de la battre. Son frère a perdu plusieurs de ses bêtes à cause de la séquestration. Il est en colère contre sa sœur et veut qu'elle lui rembourse 3 000 yuans.

Hu Bingmei, 34 ans, habite le village de Nanjiashi, (bourg de Sunzu, comté de Yinan). On l'a forcée à aller se faire ligaturer. Elle refuse et on l'emmène de force à l'hôpital. Mais les médecins disent qu'elle souffre d'hypertension et qu'il ne faut pas faire l'opération. La vice-directrice du service de planning familial du comté décrète qu'il n'y a pas de problème. Hu Bingmei est forcée de subir l'opération. On l'oblige à signer un document qui atteste qu'elle l'a fait de sa propre volonté. Depuis cette opération, elle dit qu'elle souffre d'un mal au ventre.

Les slogans de planning familial sont extrêmement violents à Linyi : "Posez un anneau de contraception après le premier enfant. Faites-vous ligaturer après le deuxième enfant. Sinon la loi sera appliquée" ; "Faites-le sortir en frappant et en l'avortant. Empêchez-le par tous les moyens de naître" ; "Sans la ligature, la maison s'écroule. Sans l'avortement, les bêtes partent" ; "Mieux vaut dix tombes fraîches qu'un enfant de trop"...

Owner: Brice Pedroletti pdf: http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/11/03/les-violences-de...

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