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Summary: Dans la plupart des commissariats et brigades de gendarmerie de la capitale Ă©conomique, hommes, femmes, enfants sont entassĂ©s dans les mĂȘmes cellules.
[Le 2 aout 2011] - En totale contradiction avec les rĂšgles internationales de la garde Ă vue."Un certain Ateba, tueur de taximen, a Ă©tĂ© apprĂ©hendĂ© et gardĂ© Ă vue Ă la Base Navale. EnfermĂ©e avec lui dans la mĂȘme cellule, sa maĂźtresse est tombĂ©e enceinte. Elle a Ă©tĂ© ensuite transfĂ©rĂ©e Ă New Bell, oĂč elle a accouchĂ©". Le visage fermĂ©, Jean Tchouaffi Ă©voque ce fait divers dĂ©solant survenu il y a trois ans. Le prĂ©sident de lâAssociation camerounaise des droits des jeunes (ACDJ) avait rĂ©ussi, Ă lâĂ©poque, Ă mobiliser des fonds pour voler au secours de la jeune maman dĂ©tenue. "Le journal "Cameroun Magazine" avait notamment titrĂ© : "Un bĂ©bĂ© prisonnier involontaire Ă New Bell", se souvient Jean Tchouaffi. Cette situation scandaleuse aurait pu ĂȘtre Ă©vitĂ©e, si les gĂ©niteurs de cet enfant ne sâĂ©taient pas retrouvĂ©s dans la mĂȘme cellule. Partager sa cellule avec des personnes dâĂąge et de sexe diffĂ©rents, cela ne surprend plus Bernard. Pour y avoir Ă©tĂ© gardĂ© Ă vue Ă plusieurs reprises, ce boutiquier de 40 ans connaĂźt par cĆur les cellules du commissariat du 9e arrondissement de Douala. "Il y a bien une cellule pour femmes et une pour hommes, mais sans portes. Il nây a pas de cellule pour mineurs. Une fois, dans ma salle, il y avait des enfants de moins de 15 ans. Dans la nuit, des viols peuvent avoir lieu ", explique lâex-dĂ©tenu.
Cellules communes et vétustes
A Douala, plus de 80 % des brigades de gendarmeries et commissariats disposent de deux cellules au mieux : une pour hommes et une pour femmes ; une seule rĂ©servĂ©e aux hommes, dans le pire des cas. Les femmes sont alors laissĂ©es Ă la main courante. Les mineurs, eux, sont mĂ©langĂ©s avec des adultes de mĂȘme sexe. Selon un officier de police qui a requis lâanonymat, un grand nombre de ces cellules ont Ă©tĂ© construites dans les annĂ©es 1980. "A cette Ă©poque, lâaccent Ă©tait moins mis sur les droits de lâhomme quâil ne lâest aujourdâhui. Depuis lors, elles nâont pas Ă©tĂ© modifiĂ©es parce que lâEtat ne dispose pas de ressources financiĂšres suffisantes", prĂ©cise-t-il.
Dangers pour les femmes et les enfants
Cette promiscuitĂ© nâest pas sans consĂ©quences. "Est-ce normal quâune fille de 12 ans se retrouve dans une cellule avec une mĂšre de 90 ans ? De mĂȘme, on nâa jamais tenu compte des mineurs hommes et des adultes. Un garçon de 16 ou 17 ans qui se retrouve dans une cellule avec un homme de 45 ans, ce nâest pas normal. [...]", constate le prĂ©sident de lâAcdj.
Un jour, dans la pĂ©nombre encombrante de sa cellule, Bernard a assistĂ©, impuissant, Ă une scĂšne de violence contre une femme. La victime, dans un dernier effort, est parvenue Ă sâĂ©chapper. "Dans ma cellule, jâavais un gars qui Ă©tait arrĂȘtĂ© pour braquage. Il y avait une femme dans une autre cellule. Le braqueur a tentĂ© de la violer. Elle a criĂ©. Une chance pour elle : cette nuit lĂ , une femme policiĂšre Ă©tait de garde et a mis la victime Ă lâabri derriĂšre le comptoir. On voulait intervenir⊠Mais, bon ! Le gars Ă©tait plus fort que nous, et nous a tabassĂ©s".
ONG tenues Ă distance
Selon les rĂšgles minima de traitement des dĂ©tenus adoptĂ©es par les Nations Unies, tout lieu de dĂ©tention doit comporter une sĂ©paration claire entre hommes, femmes et mineurs. Conscientes de ce manquement, certaines autoritĂ©s administratives et policiĂšres redoublent de zĂšle pour tenir les dĂ©fenseurs des droits de lâhomme Ă distance. Mais, Jean Tchouaffi a trouvĂ© une voie de contournement. "Nous visitons les commissariats, gendarmeries et autres, clandestinement. Une fois, nous avons initiĂ© la visite des cellules dans les commissariats. A lâĂ©poque, nous avions demandĂ© au sous prĂ©fet de Douala 1er Ă visiter les cellules du commissariat. Il nous a rĂ©pondu que câĂ©tait contraire Ă nos intĂ©rĂȘts. Câest pourquoi, jâai organisĂ© une rĂ©union et jâai dit Ă chacun dâaller clandestinement visiter les cellules parce quâil nous fallait des Ă©lĂ©ments dâenquĂȘte sur les systĂšmes de garde Ă vue ", se souvient-il.
Des efforts Ă confirmer
En 1999, au terme dâune visite de travail au Cameroun, le rapporteur spĂ©cial de la Commission des droits de lâHomme des Nations Unies sur la torture, avait recommandĂ© au gouvernement de consacrer dâimportantes ressources Ă l'amĂ©lioration des lieux de dĂ©tention de maniĂšre Ă assurer un minimum de respect pour l'humanitĂ© et la dignitĂ© de tous ceux que l'Ătat prive de libertĂ©. Ce message a eu quelques Ă©chos auprĂšs de lâEtat qui sâefforce depuis 2000 de  construire des cellules sĂ©parĂ©es pour femmes, enfants et hommes gardĂ©s Ă vue. Câest le cas au nouveau commissariat central numĂ©ro un de la ville de Douala. "Je mây suis rendu pour rendre visite Ă un dĂ©tenu. Jâai constatĂ©  quâil y a bien des cellules sĂ©parĂ©es. Dans lâensemble, câest correct et propre. Cela prouve quâau Cameroun, il peut y avoir une amĂ©lioration dans ce domaine", se rĂ©jouit Albert Vicky EkallĂ©. Des efforts qui demandent Ă ĂȘtre confirmĂ©s.