BURKINA FASO: Quand des parents refusent de dépister leurs enfants au VIH

[OUAGADOUGOU, 20 aoĂ»t 2009] - Les autoritĂ©s sanitaires estiment que moins de 25 pour cent des enfants infectĂ©s au VIH au Burkina Faso ayant besoin de traitement, en reçoivent, alors que des milliers d’enfants Ă  risque ne sont pas diagnostiquĂ©s parce que leur famille refuse de les faire dĂ©pister.

En 2006, d’aprĂšs les estimations du Programme commun des Nations Unies sur le sida, 10 000 enfants vivaient avec le VIH au Burkina Faso, dont 4 600 ayant besoin de traitements antirĂ©troviraux (ARV).

Fin juin 2009, 46 pour cent des patients séropositifs ayant besoin de ces traitements, soit 23 000 personnes, en recevaient, selon le Conseil national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles, le CNLS/IST.

« Nous sommes conscients que ces chiffres [des personnes ayant besoin de traitement] sont en rĂ©alitĂ© [plus Ă©levĂ©s], en raison des enfants nĂ©s de mĂšre sĂ©ropositive », a dit le docteur Joseph AndrĂ© Bidiga, chargĂ© du dĂ©partement santĂ© du CNLS/IST. « Nous [n’offrons] pas des services de PTME [prĂ©vention de la transmission du virus de la mĂšre Ă  l’enfant] dans toutes les formations sanitaires du pays ».

Plus de 20 pour cent des structures de santé du pays ne disposent pas de ces services, a-t-il précisé.

Plusieurs Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que le traitement ARV, combinĂ© Ă  une absence d’allaitement, pouvaient rĂ©duire le risque de transmission du virus de la mĂšre Ă  l’enfant Ă  moins de cinq pour cent. Mais en 2007, un tiers des femmes enceintes sĂ©ropositives dans le monde prenait des ARV, selon l’Organisation mondiale de la santĂ© (OMS).

L’OMS estime que plus de 400 000 enfants dans le monde ont Ă©tĂ© infectĂ©s en 2007, principalement par leurs mĂšres.

Echapper au test VIH

M. Bidiga a dit Ă  IRIN/PlusNews que le refus des parents de dĂ©pister leurs enfants au VIH masquait la rĂ©alitĂ© de l’infection des enfants. D’aprĂšs la loi, les enfants ĂągĂ©s de moins de 18 ans doivent obtenir l’accord parental pour se faire dĂ©pister au VIH.

Certains parents ne peuvent pas concevoir que leur bĂ©bĂ© puisse ĂȘtre infectĂ©, a dit le docteur Alice Zoungrana, pĂ©diatre Ă  l’hĂŽpital Charles de Gaulle Ă  Ouagadougou, la capitale. « Nous sommes en 2009 et c’est triste Ă  dire
 mais beaucoup de [familles] croient encore que le VIH est une pathologie purement sexuelle qui ne touche pas les enfants ».

Environ 75 pour cent des familles autorisent leurs enfants Ă  ĂȘtre dĂ©pistĂ©s pour le VIH Ă  l’hĂŽpital, mais cette autorisation n’est donnĂ©e qu’avec rĂ©ticence, a-t-elle ajoutĂ©. « Cela prend du temps parce que [les familles] refusent, et n’acceptent le dĂ©pistage que lorsque leur enfant retombe malade. C’est [au cours de] la deuxiĂšme hospitalisation qu’ils acceptent ».

Il n’est pas rare de voir des parents quitter l’hĂŽpital avec leurs enfants au beau milieu de la nuit, pour Ă©viter le dĂ©pistage, a dit Mme Zoungrana Ă  IRIN/PlusNews. « Ces adultes n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©pistĂ©s eux-mĂȘmes et ils ne veulent pas connaĂźtre le statut de leurs enfants ».

Une infirmiĂšre, qui travaille dans une localitĂ© Ă  l’est de Ouagadougou et est infectĂ©e au VIH, a dit Ă  IRIN/PlusNews : « J’avais des soupçons, quand mon fils avait des boutons sur le corps et Ă©tait constamment malade, mais je ne pouvais pas imaginer qu’il [puisse] ĂȘtre infectĂ© ».

Son fils, ĂągĂ© de huit ans, et elle-mĂȘme, prennent aujourd’hui des ARV.

M. Bidiga, du CNLS/IST, a dit Ă  IRIN/PlusNews que les adultes Ă©taient les gardiens du dĂ©pistage du VIH. « Nous [ciblons les adultes pour] la sensibilisation, mais nous n’avons pas les proportions attendues, les adultes n’y vont pas. Les enfants, c’est encore plus grave puisqu’il faut les adultes pour les amener Ă  faire les tests ».

Des messages qui passent mal

Les messages sur le VIH ont du mal à passer, a dit Mme Zoungrana. « Il faut revoir les messages que nous apportons à la population pour que les gens acceptent que le VIH est [possible chez] les adultes mais aussi les enfants », a-t-elle dit.

Les femmes opposent moins de rĂ©sistance que les hommes Ă  l’idĂ©e de faire dĂ©pister leurs enfants, a dit Jacques Sanogo, directeur de l’ONG Espoir Ă  Bobo-Dioulasso, la deuxiĂšme plus grande ville du pays. « Souvent les mĂšres font le dĂ©pistage des enfants sans informer leur [famille] ».

Une veuve de 45 ans a dit Ă  IRIN qu’elle n’avait pu se faire dĂ©pister au VIH qu’aprĂšs la mort de son mari en 2001. « Ses parents et lui-mĂȘme ont refusĂ© que mes enfants et moi nous fassions dĂ©pister aprĂšs que [j’eus] accidentellement dĂ©couvert ses ARV dans la maison ». En 2002, elle a appris qu’elle Ă©tait infectĂ©e au VIH, mais que ses trois enfants Ă©taient sĂ©ronĂ©gatifs.

Pour vaincre les rĂ©ticences Ă  propos des tests VIH, les travailleurs de la santĂ© communautaires rendent visite aux familles pour parler de la PTME et de l’importance du dĂ©pistage, a dit M. Sanogo Ă  IRIN/PlusNews.

Mme Zoungrana a dit que la confidentialitĂ© des visites Ă  domicile par des membres de la communautĂ© en qui les populations avaient confiance avait facilitĂ© l’acceptation du message. Ce travail d’approche communautaire fonctionne mieux, a-t-elle notĂ©, « car ils sont proches des populations et la sensibilisation passe mieux avec eux ».

Environ 2,7 pour cent – 150 000 personnes – de la population au Burkina Faso vivaient avec le VIH en 2006, selon les statistiques gouvernementales.

Informations supplémentaires

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=85793

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.