BURKINA FASO: Plus de cinq millions de personnes Ă  enregistrer Ă  l’état civil

[OUAGADOUGOU, 16 mai] - PrĂšs de 5,5 millions de personnes - en majoritĂ© des enfants et des femmes - vont recevoir des actes de naissance au cours d’une opĂ©ration, dĂ©nommĂ©e «opĂ©ration massive de dĂ©claration de jugement supplĂ©tif de naissances». La plupart n'avaient jamais Ă©tĂ© enregistrĂ©es Ă  leur naissance.

Selon le dernier recensement gĂ©nĂ©ral de la population burkinabĂ©, rĂ©alisĂ© en 2006, le taux de non-enregistrement est particuliĂšrement important chez les femmes et les enfants dont trois millions (60 pour cent de filles) n’étaient pas inscrits sur les registres d’état civil.

«C’est quelque chose d’inĂ©dit, on ne l’a jamais fait dans notre pays. Nous allons le faire parce que nous avons besoin que tout le monde ait des piĂšces dans notre pays Ă  un moment capital de l’histoire de notre pays», explique Ă  IPS, ClĂ©ment Sawadogo, le ministre de l’Administration territoriale et de la DĂ©centralisation du Burkina.

Pour inciter l’adhĂ©sion de la population Ă  l’initiative, le ministre rencontre depuis plusieurs jours les partis politiques, la sociĂ©tĂ© civile et les confessions religieuses.

Une organisation menĂ©e par les prĂ©fets et les maires, qui sillonnera les communes, les villages et les secteurs pour recenser toutes les personnes qui n’ont pas de documents d’état civil dans le sens de rĂ©gulariser leur situation, explique Sawadogo.

«Au besoin les gens se transporteront au village, s’y installeront pour recenser toutes les personnes qui n’ont pas ces documents. L’intĂ©ressĂ© sera nanti d’une copie intĂ©grale du jugement dĂ©claratif», ajoute le ministre.

L’opĂ©ration, qui coĂ»tera plus de deux milliards de francs CFA (plus de quatre million de dollars), est une rĂ©ponse des autoritĂ©s burkinabĂ© Ă  la recommandation du ComitĂ© des Nations Unies pour les droits de l’enfant, faite en 2007 Ă  Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, et qui souhaitait que cette annĂ©e soit dĂ©clarĂ©e «annĂ©e de l’enregistrement gratuit et universel des naissances».

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), qui appuie l’Etat burkinabĂ© pour cette opĂ©ration, l’établissement des actes de naissance est une prioritĂ©, spĂ©cialement pour l’organisation (UNICEF) qui a Ă©tĂ© mandatĂ©e par l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies pour assurer la protection, la promotion des droits de l’enfant.

L’UNICEF travaille avec 'Plan Burkina' et Sant'Egidio qui sont deux autres organisations non gouvernementales. Ces ONG sensibilisent les populations et investissent dĂ©jĂ  sur le terrain. Par exemple, 'Plan Burkina' a, depuis 2004, permis Ă  250.000 enfants d'ĂȘtre enregistrĂ©s Ă  l'Ă©tat civil. L'Etat burkinabĂ© a pu rĂ©unir, grĂące aux partenaires, les moyens financiers, et fournira le personnel administratif et la logistique.

L’UNICEF, qui s’est engagĂ©e Ă  contribuer Ă  tous les registres d’actes de naissance et tous les autres registres, financera Ă  hauteur de Ă  350.000 dollars cette opĂ©ration qui se dĂ©roulera sur 12 mois concernant les documents pour les enfants de zĂ©ro Ă  18 ans.

«Ceci permettra Ă  chaque enfant nĂ© au Burkina Faso de se sentir lĂ©galement appartenant au Burkina Faso car l’enregistrement des naissances, la carte d’identitĂ© permettent l’existence lĂ©gale de chaque citoyen», explique Ă  IPS, Sylvana Nzirorera, directrice adjointe de l’UNICEF au Burkina.

Au Burkina, la dĂ©claration de naissance doit se faire 60 jours au plus tard aprĂšs la naissance de l’enfant, mais le coĂ»t (environ 2,4 dollars) jugĂ© onĂ©reux par certains parents et les longues distances pour atteindre certains services administratifs, empĂȘchent les enfants d’ĂȘtre enregistrĂ©s plus tĂŽt.

«Cette opĂ©ration gratuite va permettre Ă  chacun d’avoir des papiers dans ma famille», se rĂ©jouit Ousmane Tinto, 49 ans, habitant le quartier Tampouy, au nord de Ouagadougou. «Seulement, il faut s’assurer que la gratuitĂ© soit effective sur le terrain», estime Tinto qui craint que des tracasseries et lourdeurs administratives plombent l’opĂ©ration.

Abiba Sawadogo, une dame de 60 ans environ, dont les petits-fils ne sont pas scolarisĂ©s et n'ont pas de documents administratifs, affirme qu’au moins le dernier de ses petits-fils (cinq ans) ira Ă  l'Ă©cole avec un papier. "Le premier n'a pas pu aller Ă  l'Ă©cole Ă  cause de l'ignorance, mais celui-lĂ  (le dernier) a encore la chance avec cette opĂ©ration", ajoute-t-elle Ă  IPS.

Pour l’UNICEF, l’absence de document d’enregistrement pour un enfant le prive de la protection que son pays mĂȘme ne peut lui offrir.

«Les forces de l’ordre, formĂ©es sur le trafic des enfants, n’arrivent pas effectivement Ă  mettre en application la loi contre le trafic parce qu’ils ne peuvent pas prouver que les enfants qui ne sont pas enregistrĂ©s - qui traversent la frontiĂšre comme les autres - n’ont pas l’ñge de traverser sans leurs parents», ajoute Nzirorera Ă  IPS.

L’enregistrement des naissances permettre Ă©galement de mettre en Ɠuvre le Code des personnes et de la famille, qui dit qu’une fille ne peut pas se marier avant 17 ans d’ñge, souligne Ă©galement Herve Peries, le reprĂ©sentant de l’UNICEF au Burkina Faso.

«Une opĂ©ration ponctuelle comme ça, c’est bien, mais il faut que l’on inscrive notre Ă©tat civil dans la durĂ©e afin que de maniĂšre spontanĂ©e au quotidien, les gens prennent l’habitude d’enregistrer les enfants dans les dĂ©lais lĂ©gaux de 60 jours», explique Adama DembĂ©lĂ©, le prĂ©sident du comitĂ© de pilotage de l’opĂ©ration.

Mais, le gouvernement burkinabĂ© a profitĂ© de l’opportunitĂ© pour permettre Ă  d’autres citoyens d’acquĂ©rir des jugements supplĂ©tifs d’actes de naissance en plus des enfants et des femmes - les groupes prioritaires visĂ©s par l’opĂ©ration - afin de mettre Ă  jour le fichier Ă©lectoral de ce pays d’Afrique de l’ouest.

«Pour les Ă©lections, les piĂšces valables sont la piĂšce d’identitĂ© or beaucoup de piĂšces que nous autorisons ne sont pas des piĂšces fiables comme les cartes de famille, les actes de naissance qui sont sans photos et qui sont Ă  la base des dĂ©bats interminables au sein des partis», souligne le ministre de l’Administration territoriale et de la DĂ©centralisation.

Le Burkina Faso organisera des élections présidentielles, municipales et législatives en 2010, 2011 et 2012 respectivement.

Selon DembĂ©lĂ©, l’implication des procureurs qui entreprendront des tournĂ©es de supervision permettra d’éviter les fraudes, notamment la multiplication des piĂšces ou le changement d’identitĂ© des personnes.

Les organisations de la sociĂ©tĂ© civile saluent cette initiative, mĂȘme si elles disent regretter leur faible implication dans l’organisation de l’opĂ©ration.

Selon Xavier Kinda de l’Association «Agir pour la justice et la citoyennetĂ© sociale», cette opĂ©ration «permettra surtout aux populations rurales de bĂ©nĂ©ficier des actes de naissance en un laps de temps parce que... la carte d’électeur sera dĂ©sormais subordonnĂ©e Ă  la dĂ©tention d’une carte d’identité».

«L’idĂ©e est salutaire, mais du point de vue organisationnel, le monde communautaire n’a pas Ă©tĂ© grandement impliquĂ© alors que nous savons que ce monde joue un trĂšs grand rĂŽle dans ce domaine d’activitĂ©s», souligne Ă  IPS, Aminata Bounkoungou, prĂ©sidente de l’Association Promo-Monde rurale qui avait dĂ©jĂ  un projet dans ce sens.

De leur cĂŽtĂ©, les partis politiques, regroupĂ©s au sein de la Coordination des partis d’opposition (CPO), ont dĂ©jĂ  exprimĂ© des rĂ©serves sur l’utilisation de cette opĂ©ration pour la rĂ©fection des listes Ă©lectorales en faveur du parti au pouvoir, le Congres pour la dĂ©mocratie et le progrĂšs (CDP). Mais le CDP rejette cette allĂ©gation.

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5334

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