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[OUAGADOUGOU, 17 mars 2009] - Ce nâĂ©tait pas la premiĂšre fois quâAdama Sawadogo, directeur dâune Ă©cole primaire burkinabĂš, voyait une de ses Ă©lĂšves arrĂȘter lâĂ©cole pour se marier, mais le mariage de Maimouna Tamboura, 11 ans, en fĂ©vrier, Ă©tait « un de trop ». « Jâai dĂ©cidĂ© pour la premiĂšre fois dâalerter mes supĂ©rieurs pour quâils interviennent et fassent annuler ce mariage, car je ne pouvais plus supporter que les Ă©lĂšves avec lesquels jâavais travaillĂ© dâarrache-pied pour en faire les leaders de demain abandonnent et [rentrent] chez eux », a expliquĂ© le directeur de lâĂ©cole primaire de Gankouna, Ă 275 kilomĂštres au nord de Ouagadougou, la capitale. Au Burkina Faso, lâĂąge minimum du mariage est de 17 ans pour les femmes, mais plus de la moitiĂ© des femmes ĂągĂ©es de 20 Ă 24 ans Ă©taient dĂ©jĂ mariĂ©es Ă lâĂąge de 18 ans, selon le gouvernement. DâaprĂšs les dĂ©mographes, un plus grand nombre de mariages prĂ©coces entraĂźne un taux de croissance dĂ©mographique plus Ă©levĂ©, dans un pays de 14 millions dâhabitants oĂč le taux sâĂ©lĂšve dĂ©jĂ Ă trois pour cent, selon le dernier recensement, rĂ©alisĂ© par les autoritĂ©s publiques en 2006. « Il y a un lien clair entre les mariages prĂ©coces et la croissance dĂ©mographique », a expliquĂ© Ă IRIN Jean-Louis Dakuyo, dĂ©mographe au Conseil consultatif national sur la dĂ©mographie. « Plus elles [les jeunes filles] se marient jeunes, plus leur pĂ©riode gĂ©nitale est longue ». Le taux de fĂ©conditĂ© est particuliĂšrement Ă©levĂ© dans le Sahel, la rĂ©gion nord du pays, qui affiche Ă©galement le taux le plus Ă©levĂ© de mariages dâenfants. Les femmes de la rĂ©gion ont en moyenne huit enfants contre une moyenne nationale de six (statistiques officielles 2006), selon M. Dakuyo. « Dans la rĂ©gion du Sahel, des fillettes ĂągĂ©es de 12-13 ans sont mariĂ©es ; on imagine combien dâenfants [elles] auront [dâici Ă lâĂąge de] 25 ans, Ă©tant donnĂ© que dans les rĂ©gions rurales, les grossesses ne sont pas espacĂ©es », a expliquĂ© M. Dakuyo Ă IRIN. Si la culture favorise les mariages dâenfants, la pauvretĂ© est aussi un facteur, selon le Population Council. « Quand les parents ne peuvent pas nourrir leur fille, ni subvenir Ă ses besoins sanitaires, ils prĂ©fĂšrent la donner en mariage », selon Gisele KaborĂ©, du Population Council. Selon Mme KaborĂ©, le phĂ©nomĂšne sâaggrave Ă mesure que les filles deviennent sexuellement actives de plus en plus jeunes. « Les parents ont peur de devoir sâoccuper dâune grossesse [prĂ©coce], alors quand la fille semble mĂ»re, ils sâen dĂ©barrassent [en la mariant] ». Si Ă lâĂ©cole de Gankouna, on nâa pas rĂ©ussi Ă faire annuler le mariage de la jeune Maimouna, 11 ans, on a nĂ©anmoins pu la convaincre de retourner Ă lâĂ©cole, selon M. Sawadogo, le directeur. Quand bien mĂȘme, lâavenir Ă©ducatif de la fillette reste incertain, a-t-il dĂ©plorĂ©. « Maintenant, jâai peur quâelle tombe enceinte et quâelle ne vienne plus Ă lâĂ©cole ». En effet, la moitiĂ© des fillettes du Burkina Faso qui se marient avant la majoritĂ© tombent enceintes dans lâannĂ©e qui suit leur mariage et quittent les bancs de lâĂ©cole, selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Sur les 13 rĂ©gions du Burkina Faso, le Sahel affiche le taux de mortalitĂ© maternelle le plus Ă©levĂ©, avec 840 morts pour 100 000 naissances vivantes, contre une moyenne nationale de 700 (statistiques 2006), selon lâUNFPA. La plupart des jeunes mariĂ©es ne frĂ©quentent pas les centres de santĂ©, choisissant de faire appel aux guĂ©risseurs traditionnels, selon le Population Council. En 2004, moins de 18 pour cent des femmes de la rĂ©gion du Sahel avaient accouchĂ© dans des centres de santĂ©, selon le ministĂšre de la SantĂ©. Les accouchements non-assistĂ©s sont responsables du problĂšme de fistule observĂ© dans la rĂ©gion, selon lâUNFPA. En 2007, 54 cas de fistules ont Ă©tĂ© signalĂ©s au Sahel, le taux le plus Ă©levĂ© du pays, selon le ministĂšre de la SantĂ©. Pour lutter contre les mariages prĂ©coces, lâUNFPA a lancĂ© en fĂ©vrier un projet dâĂ©ducation par les pairs et de formation professionnelle dotĂ© dâun budget de 1,6 million de dollars, dans les 24 rĂ©gions qui affichent les indicateurs de dĂ©veloppement les plus faibles et les taux de mariages dâenfants les plus Ă©levĂ©s du pays.
Pourquoi ?
Risques de santé