Biélorussie: La violence domestique, un secret bien gardé

« Il tenait l’enfant dans ses bras et me frappait. Vous savez, c’est vraiment terrifiant de voir les vĂȘtements de son enfant couverts de sang, et lui qui riait et me disait : " Maintenant tu vas te mettre Ă  genoux et me supplier de ne pas te tuer ". » Yelena, victime de violences conjugales.

En BiĂ©lorussie, des milliers de femmes sont victimes de violence domestique. Elles ne bĂ©nĂ©ficient pas d’une protection juridique ni de services d’aide suffisants. C’est ce que rĂ©vĂšle le nouveau rapport d’Amnesty International.

Selon les chiffres officiels obtenus en 2006 par l’organisation, en BiĂ©lorussie, prĂšs de 3 000 femmes ont Ă©tĂ© victimes de violences au sein de leur foyer en 2005. Ce chiffre est probablement bien en deçà de la rĂ©alitĂ©. La BiĂ©lorussie ne comptant aucun centre spĂ©cialisĂ© dans l’accueil des victimes de violences conjugales, ces femmes n’ont nulle part oĂč aller. Les trois centres d’aide d’urgence mis en place par l’État ne disposent pas des fonds requis et n’offrent pas aux victimes le soutien dont elles ont besoin. En outre, nombre d’organisations non gouvernementales (ONG), compĂ©tentes et dĂ©sireuses de leur venir en aide, se heurtent aux restrictions que le gouvernement leur impose en termes d’action et de financement.

Le rapport que publie Amnesty International, Belarus : Domestic violence — more than a private scandal, met en lumiĂšre le formidable travail de membres d’ONG et du secteur public. Par ailleurs, le gouvernement biĂ©lorusse a reconnu le problĂšme de la violence domestique et pris des mesures concrĂštes et lĂ©gislatives visant Ă  y remĂ©dier. Mais elles demeurent insuffisantes.

« MalgrĂ© les mesures prises par les autoritĂ©s, la BiĂ©lorussie ne remplit toujours pas ses obligations internationales en matiĂšre de protection des droits des femmes », a dĂ©clarĂ© Heather McGill, responsable de la recherche sur la BiĂ©lorussie au sein d‘Amnesty International.

Dans le Code pĂ©nal, la violence domestique n’est pas encore dĂ©finie ni Ă©rigĂ©e en infraction. Pourtant, un projet de loi sur la prĂ©vention et lâ€˜Ă©limination de ce flĂ©au a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© en 2002. Tout en se fĂ©licitant de ce texte, Amnesty International s’inquiĂšte de certains articles, notamment de la clause relative au « comportement de la victime ». Susceptible de servir Ă  accuser les femmes d’avoir provoquĂ© les violences, elle pourrait compromettre l’obligation d’assurer leur protection qui incombe Ă  l’État. L’organisation estime qu’il faut supprimer cette clause et dĂ©finir la violence au foyer, tant dans le Code pĂ©nal qu’administratif, dans le droit fil de la DĂ©claration sur l’élimination de la violence Ă  l’égard des femmes.

Les auteurs de violences conjugales continuent d’agir en toute impunitĂ©, car la majoritĂ© des victimes ne portent pas plainte auprĂšs des services de police. Elles ont peur des reprĂ©sailles de leurs conjoints violents, peur d’ĂȘtre poursuivies pour d’autres infractions, peur d’humilier la famille, elles se croient responsables de cette violence, ont une piĂštre opinion d’elles-mĂȘmes ou redoutent l’insĂ©curitĂ© financiĂšre.

« L’absence de volontĂ© politique dans la lutte contre la violence domestique, ainsi que la discrimination engendrĂ©e par les stĂ©rĂ©otypes sexistes, privent les femmes de leurs droits fondamentaux. »

Dans son rapport, Amnesty International invite le gouvernement à sensibiliser davantage la population au problÚme de la violence familiale et à encourager les femmes à la dénoncer.

Le mari de Vera, Oleg, l’a rĂ©guliĂšrement battue et Ă©tranglĂ©e par plaisir sexuel, pendant vingt-trois ans, jusqu’à ce qu’elle meure en 2005. Les voisins ont appelĂ© la police Ă  maintes reprises, mais Vera n’a pas portĂ© plainte, par peur de son mari, ancien policier. Elle a Ă©tĂ© conduite quatre fois Ă  l’hĂŽpital aprĂšs avoir Ă©tĂ© sauvagement battue ; son Ă©poux a soudoyĂ© les policiers et le personnel soignant afin que ses crimes ne soient pas signalĂ©s. Vera a Ă©tĂ© retrouvĂ©e pendue. Le 26 mai 2006, Oleg a Ă©tĂ© inculpĂ© d’avoir poussĂ© sa femme au suicide. La famille de Vera est convaincue qu’elle a Ă©tĂ© assassinĂ©e et conteste l’accusation.

« Les femmes feront confiance Ă  la justice si elles ont des raisons de croire qu’en engageant des poursuites elles pourront se soustraire elles et leurs enfants Ă  toute violence. Lorsqu’une structure interministĂ©rielle coordonnĂ©e d’aide et de protection sera enfin mise en place, les femmes auront recours Ă  la justice pĂ©nale, a dĂ©clarĂ© Heather McGill.

« À leur sortie de prison, les hommes recommencent bien souvent Ă  frapper leurs conjointes. Dans le cadre d’un dispositif d’aide et de protection des femmes, il faut pouvoir les hĂ©berger dans des centres d’accueil et les reloger durablement, elles et leurs enfants, dans des logements abordables. »

Selon Amnesty International, il convient de protĂ©ger plus efficacement les victimes de violence domestique et de lutter contre l’impunitĂ© pour ces violences en BiĂ©lorussie. L’organisation exhorte le gouvernement biĂ©lorusse Ă  s’acquitter de ses obligations au titre du droit international, notamment Ă  : – protĂ©ger les femmes des violences qu’elles subissent au sein de leur foyer : toutes les victimes doivent bĂ©nĂ©ficier d’une pleine et entiĂšre rĂ©paration ; elles doivent ĂȘtre accueillies temporairement dans des centres et relogĂ©es durablement ; – mettre un terme Ă  l’impunitĂ© : supprimer du projet de loi la clause relative au « comportement de la victime » et dĂ©finir la violence domestique dans le Code pĂ©nal et le Code administratif en s’alignant sur la DĂ©claration sur l’élimination de la violence Ă  l’égard des femmes ; – sensibiliser davantage la population : le gouvernement doit mener des campagnes de sensibilisation afin que les victimes de violence au foyer ne soient plus mises Ă  l’index et afin de les encourager Ă  porter plainte auprĂšs des services de police.

Voir : Belarus : Domestic violence — more than a private scandal

 

 

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=9308

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