BELGIQUE: Faut-il Ă©largir la loi sur l'euthanasie aux enfants?

Summary: [DĂ©bat] - Le SĂ©nat a entamĂ© le dĂ©bat sur l’élargissement de l’euthanasie aux mineurs et aux personnes atteintes de dĂ©mence. [Une] Ă©mission [de la RTBF] revient sur cette rĂ©forme qui ne figure pas au programme du gouvernement, mais pour laquelle une majoritĂ© alternative semble se dessiner.

 [Le 16 juin] - La Belgique doit-elle aller plus loin que la loi adoptĂ©e en 2002 ? Pour certains, une lĂ©gislation plus humaine est nĂ©cessaire. Pour d’autres, il faut se garder de banaliser la mort. Les enfants atteints d’une maladie incurable sont-ils condamnĂ©s Ă  souffrir ? Faut-il permettre de mettre fin Ă  leur calvaire et Ă  quelles conditions ? Un enfant est-il apte Ă  juger ? Faut-il fixer une limite d’ñge ou prendre en compte l’état de discernement et que faire de l’avis des parents ? Certains hĂŽpitaux ou maisons de repos s’opposent Ă  ce qu’une euthanasie soit pratiquĂ©e dans leurs murs. Faut-il lever cette forme de refus ou d’objection de conscience ?

Pour répondre à ces questions, Olivier Maroy a invité à participer au débat de Mise au Point les personnes suivantes:

Philippe Mahoux, chef de groupe PS au SĂ©nat

Francis Delpérée, chef de groupe cdH au Sénat

Jacques Brotchi, sénateur MR et neurochirurgien

Jacqueline Herremans, prĂ©sidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignitĂ©

Catherine Dopchies, oncologue, spécialiste des soins palliatifs

Tommy ScholtĂšs, porte-parole des Ă©vĂȘques de Belgique

Dominique Biarent, chef du service soins intensifs – Hîpital universitaire des enfants

"Rien dans les textes qui sont proposés ne prévoit de remettre la décision à un tiers!"

Philippe Mahoux (qui est aussi mĂ©decin) est l’un des premiers Ă  avoir voulu rouvrir le dĂ©bat sur l’euthanasie : "La loi est de 2002 est excellente, mais elle justifie des extensions et des modifications. Extensions aux mineurs qui vivent des situations de souffrance qu’on ne peut soulager et qui ne peuvent bĂ©nĂ©ficier de la loi sur l’euthanasie. Modifications pour prĂ©ciser que la clause de conscience incluse dans la loi est individuelle et non collective, c’est-Ă -dire liĂ©e Ă  des institutions". Selon le sĂ©nateur, il faut aussi prĂ©ciser la notion de "temps utile" dans lequel les mĂ©decins doivent rĂ©pondre aux demandes et lever la limite de 5 ans de validitĂ© des dĂ©clarations anticipĂ©es.

Pour Francis DelpĂ©rĂ©e (cdH), la question d’aujourd’hui n’est pas de remettre en cause la loi de 2002 mais bien de l’appliquer Ă  des personnes qui ne sont pas en mesure de dĂ©cider. Et donc de mettre la dĂ©cision dans les mains de tiers. RĂ©action immĂ©diate de Philippe Mahoux et Jacques Brotchi : "On ne va pas commencer le dĂ©bat comme ça! Rien dans les textes qui sont proposĂ©s ne prĂ©voit de remettre la dĂ©cision Ă  un tiers!". 

" C’est le patient qui souffre qui est au centre du dĂ©bat ", insiste le neurochirurgien et sĂ©nateur Jacques Brotchi. " La loi de 2002, qui est excellente, Ă©tait basĂ©e sur l’état des connaissances de la fin des annĂ©es 90. La mĂ©decine a progressĂ© en 15 ans, les mentalitĂ©s aussi. L’avis du patient doit ĂȘtre central et on ne peut dĂ©cider Ă  sa place. " Le PĂšre Tommy ScholtĂšs s. J. rĂ©pond : " Comme communautĂ© chrĂ©tienne, nous ne pouvons pas dire oui Ă  la mort donnĂ©e Ă  quelqu’un mĂȘme si la personne la demande. Respecter les gens dans leurs extrĂȘmes, mĂȘme la dĂ©mence, mĂȘme la petite enfance, c’est une question de solidaritĂ© et de lien social. Quand quelqu’un dit qu’il veut mettre fin Ă  sa vie, il impose Ă  quelqu’un d’autre d’agir. Dans les familles, ce n’est pas simple Ă  gĂ©rer non plus. Soyons pour l’amour et l’accompagnement : les soins palliatifs sont lĂ  pour cela. "

Jacqueline Herremans rĂ©agit en faisant observer que son association comprend aussi des croyants et mĂȘme des religieux : "L’Église n’est pas monolithique, heureusement. Il ne faut pas caricaturer : les Bons qui font de l’accompagnement et les Mauvais qui veulent la mort. L’accompagnement, nous le pratiquons Ă©galement. Et c’est le respect de la personne que d’entendre sa volontĂ© qu’il soit mis fin Ă  ses souffrances. Mais jamais cet acte n’est banalisĂ©, c’est une longue interrogation, une rĂ©flexion."

Le Dr Dominique Biarent a Ă©tĂ© entendue comme expert par la commission sĂ©natoriale qui examine l’extension de la loi. Celle-ci interdit de pratiquer l’euthanasie sur les moins de 18 ans, mais dans les faits elles ont parfois lieu, leur a-t-elle dit. " C’est exceptionnel, mais cela arrive. Nous accompagnons les gens le plus loin possible. La fin de vie des enfants reste un problĂšme compliquĂ©, et il se pose pour les mineurs qui ont la capacitĂ© de jugement tout comme pour ceux qui ne l’ont pas, comme les nouveau-nĂ©s. Un dĂ©bat a lieu dans les unitĂ©s de soins intensifs et les mĂ©decins travailleraient avec plus de sĂ©rĂ©nitĂ© s’ils avaient un bon cadre lĂ©gal. "

Le Dr Catherine Dopchies est contre l’extension de la loi et mĂȘme pour l’abolition de celle de 2002 : " Nous sommes dans une maniĂšre de vivre oĂč la personne humaine doit ĂȘtre absolument performante, et si elle ne l’est pas, elle est dĂ©considĂ©rĂ©e. Nous nous retrouvons devant des personnes qui sont dans une hyper-maĂźtrise et n’ont pas appris Ă  intĂ©grer leurs limites. Ils ne savent pas comment aborder la fin de vie et leur souffrance est extrĂȘme. Et ils s’adressent au mĂ©decin pour qu’il soit l’instrument d’une maĂźtrise terminale. "

Quand un mineur est-il apte à juger ?

Selon l’expĂ©rience de Jacques Brotchi, qui raconte l’histoire d’un patient de 5 ans qu’il a suivi jusqu’à l’ñge de 10 ans, les enfants ont une maturitĂ© dans la souffrance qu’il faut respecter et certains mĂ»rissent prĂ©maturĂ©ment suite Ă  leur maladie. " Nous sommes dans un dĂ©bat qui va plus loin que la question de l’ñge ou que l’assimilation des mineurs Ă©mancipĂ©s Ă  des majeurs, ou que l’abaissement de l’application de la loi de 2002 aux mineurs de 15 ans. Ce dont nous discutons, c’est de la capacitĂ© de discernement. "

Que faut-il faire face à un enfant qui demande à ce qu’on l’euthanasie ?

" Il faut Ă©couter ce qu’il a Ă  dire, rĂ©pond le Dr Biarent, Ă©couter ce que les parents ont Ă  dire. La premiĂšre chose Ă  faire est de voir comment on peut supprimer la douleur, rendre un peu de qualitĂ© de vie et de bonheur puis Ă  un moment il faut accepter qu’on ne peut pas aller plus loin et consentir Ă  donner la mort parce que c’est ce qu’il y a de moins horrible. "

Et les malades souffrant d’atteintes cĂ©rĂ©brales ?" Il faut comme pour les enfants prendre conseil auprĂšs de collĂšgues et de professionnels, mĂȘme paramĂ©dicaux. ", assure Jacques Brotchi. Actuellement, ces personnes, mĂȘme dans un Ă©tat avancĂ© de dĂ©gĂ©nĂ©rescence cĂ©rĂ©brale, ne peuvent pas bĂ©nĂ©ficier de la loi sur l’euthanasie tant qu’elles ne sont pas inconscientes. " Avec les progrĂšs faits en 15 ans par les techniques d’imagerie mĂ©dicale, on peut Ă  prĂ©sent avoir des certitudes sur l’état de la maladie et il n’est bien entendu pas question de ne pas administrer un traitement s’il est possible de le faire. De plus nous devrions tous avoir la possibilitĂ© d’exprimer au prĂ©alable en dĂ©tails ce que nous voulons pour notre fin de vie. De dire oĂč nous plaçons le curseur et ne pas devoir attendre d’ĂȘtre incapable de parler ou de penser ou d’avoir aucun contact, et de baigner dans ses urines, pour qu’une dĂ©cision soit prise. "

" Cette vie-lĂ  vaut encore la peine d’ĂȘtre vĂ©cue, entourĂ©e par les siens ", observe Tommy ScholtĂšs, qui rĂ©colte une bordĂ©e de rĂ©actions. Et il ajoute : " J’entends des personnes ĂągĂ©es dans des homes, qui me confient qu’elles espĂšrent qu’une fois qu’elles seront inconscientes on ne viendra pas les euthanasier. " " Quelles soient tout Ă  fait rassurĂ©es, insiste Philipe Mahoux, dĂ©jĂ  dans la loi de 2002 la protection de leur volontĂ© est garantie. "

La clause de conscience du médecin

Jacqueline Herremans insiste pour que le droit de ne pas rĂ©aliser d’euthanasie ne soit pas " institutionnalisé ", c’est-Ă -dire que ce soit une Ă©glise, un hĂŽpital, un groupe quelconque qui l’exerce mais une personne, individuellement. Et que ce soit inscrit dans la loi. De mĂȘme, il faut instaurer une obligation de transfert : " Si un mĂ©decin, exerçant son droit, refuse de pratiquer l’euthanasie, il serait tenu d’adresser son patient Ă  un confrĂšre. "


Owner: Patrick Bartholomépdf: http://www.rtbf.be/info/emissions/article_mise-au-point-faut-il-elargir-...

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