Angola: Vers la fin de l’impunitĂ© pour les policiers


Le 8 aoĂ»t 2005, un policier a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  dix-sept annĂ©es d’emprisonnement pour le meurtre dĂ©libĂ©rĂ© de AntĂłninho Tchiswungo, dit Toi – un garçon de seize ans environ – le 1er janvier 2005. Amnesty International espĂšre que ce verdict enverra le message clair que les exĂ©cutions illĂ©gales et autres actes illĂ©gaux commis par des policiers ne sauraient ĂȘtre tolĂ©rĂ©s.

D’aprĂšs les informations dont dispose Amnesty International, c’est la premiĂšre fois qu’un policier est condamnĂ© pour le meurtre d’une personne Ă  une peine d’emprisonnement relativement longue.

Le verdict a Ă©tĂ© prononcĂ© le 8 aoĂ»t 2006 par le tribunal provincial de Benguela, dans la ville de Lobito. Outre la peine d’emprisonnement, le policier a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  payer des dommages Ă  la famille de la victime pour un montant de 500 000 Kz (environ 6 000 euros).

Toutefois, Amnesty International s’inquiĂšte des efforts manifestes des policiers pour masquer le crime. Le lendemain de la mort de AntĂłninho Tchiswungo, deux policiers seraient venus chercher le corps sur les lieux du crime et l’auraient emmenĂ© dans les locaux de l’unitĂ© d’intervention de la police (Unidade Operativa da Policia) avant de l’enterrer dans un endroit non rĂ©vĂ©lĂ©. Manifestement, aucune autopsie n’a Ă©tĂ© effectuĂ©e au prĂ©alable. Les policiers n’ont pas cherchĂ© Ă  retrouver les proches de la victime pour les informer de sa mort et ce n’est que plus tard que la famille a Ă©tĂ© localisĂ©e par une organisation non gouvernementale. Un certificat de dĂ©cĂšs a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© mentionnant le 3 janvier comme date de l’enterrement. Toutefois, l’enterrement n’a pas Ă©tĂ© enregistrĂ© au cimetiĂšre de la ville et le dĂ©cĂšs ne figure pas dans les registres du Notary. Quatre jeunes qui avaient accompagnĂ© le corps lorsqu’il a Ă©tĂ© emmenĂ© dans les locaux de l’unitĂ© d’intervention auraient Ă©tĂ© maltraitĂ©s et placĂ©s en dĂ©tention pendant six heures environ.

Des responsables du parquet de Luanda, qui s’étaient rendus Ă  Lobito en fĂ©vrier pour enquĂȘter sur le meurtre, dĂ©claraient plus tard que le policier s’était Ă©chappĂ© de prison avec l’aide de ses collĂšgues. Un mandat d’arrĂȘt fut dĂ©cernĂ© contre lui en mars. Dans une lettre adressĂ©e Ă  Amnesty International en juin 2005, un fonctionnaire du ministĂšre de l’IntĂ©rieur confirmait que le policier avait Ă©tĂ© Ă  nouveau arrĂȘtĂ© en mars et qu’il se trouvait en prison Ă  Lobito. Son procĂšs, retardĂ© Ă  de nombreuses reprises, avait dĂ©butĂ© en mars 2006 et avait Ă©tĂ© temporairement suspendu Ă  plusieurs reprises.

Si ce verdict reprĂ©sente un progrĂšs dans la lutte contre l’impunitĂ© en Angola, Amnesty International reste prĂ©occupĂ©e par le fait que :

  • la famille d’AntĂłninho Tchiswungo dit Toi n’a toujours reçu aucune indication du lieu oĂč se trouve le corps ;
  • aucune enquĂȘte ne semble avoir Ă©tĂ© ouverte sur l’implication prĂ©sumĂ©e d’autres policiers dans l’affaire de l’évasion, qui correspond Ă  une obstruction au cours de la justice ;
  • aucune enquĂȘte n’a Ă©tĂ© menĂ©e sur les allĂ©gations de menaces, mauvais traitements et dĂ©tention des quatre autres jeunes.

Amnesty International demande instamment aux autoritĂ©s de mener une enquĂȘte approfondie et indĂ©pendante sur les homicides, actes de torture et mauvais traitements qui auraient Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©s par des policiers et de traduire en justice toutes les personnes soupçonnĂ©es d’ĂȘtre responsables d’atteintes aux droits humains. L’enquĂȘte devra respecter les normes internationalement reconnues en matiĂšre de recueil de tĂ©moignages et signalement de violations des droits humains. Les autoritĂ©s devraient Ă©galement enquĂȘter sur toutes les allĂ©gations de collusion avec des policiers soupçonnĂ©s d’atteintes aux droits humains et sur tous les policiers soupçonnĂ©s d’avoir fait obstruction Ă  l’enquĂȘte ou au cours de la justice.

ComplĂ©ment d’information

Le tribunal a Ă©tabli que AntĂłninho Tchiswungo dit Toi avait Ă©tĂ© tuĂ© par un policier peu aprĂšs 22 heures le 1er janvier 2005 dans la ville de Lobito. Le policier, membre du Premier Escadron (Primaire Escadre) , s’est rendu, habillĂ© en civil, au quatriĂšme Ă©tage d’un bĂątiment Ă  l’abandon dans lequel vivaient AntĂłninho Tchiswungo et d’autres jeunes sans domicile fixe. AprĂšs les avoir menacĂ© avec son pistolet, l’officier a saisi AntĂłninho Tchiswungo dit Toi, l’a menottĂ© et abattu Ă  bout portant d’un coup Ă  la tĂȘte. Il lui a ensuite ĂŽtĂ© les menottes et a jetĂ© le corps dans la cage de l’ascenseur. Le policier aurait Ă©galement donnĂ© des coups de pied Ă  un autre jeune, DamiĂŁo Martinho qu’il aurait menacĂ© de tuer.

Quelques heures aprĂšs le meurtre, le policier avait Ă©tĂ© interceptĂ© et arrĂȘtĂ© prĂšs du bĂątiment Ă  l’abandon par des collĂšgues policiers qui l’auraient conduit dans les locaux de la police judiciaire (Departamento da Policia de Investigação Criminal – DPIC) d’oĂč il se serait Ă©chappĂ© avec l’aide de ses collĂšgues. Il avait Ă©tĂ© Ă  nouveau arrĂȘtĂ© en mars 2005 et a finalement Ă©tĂ© jugĂ© entre mars et juillet 2006.

Il a fallu plus d’un an et demi pour arriver Ă  ce verdict. Ce jugement sans prĂ©cĂ©dent est un pas en avant dans la lutte contre l’impunitĂ© dont bĂ©nĂ©ficient les policiers, un problĂšme majeur en Angola.

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=8619

Pays: 
LibellĂ©s : 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.