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[DAKAR, le 6 dĂ©cembre 2006] - Quelques 150 communautĂ©s guinĂ©ennes ont dĂ©cidĂ© dimanche dernier de mettre un terme Ă lâexcision en GuinĂ©e oĂč prĂšs de 97 pour cent des femmes sont soumises Ă cette pratique, ont annoncĂ© lundi les initiateurs de la dĂ©claration. Des dĂ©lĂ©gations de femmes venues de diffĂ©rentes rĂ©gions du pays se sont rĂ©unies dimanche dans la ville de Lalya pour sâentretenir sur les mutilations gĂ©nitales fĂ©minines et sur la dĂ©claration dâabandon de lâexcision. Bien que la loi interdise lâexcision en GuinĂ©e, tous les groupes ethniques la pratiquent. Tostan, une organisation non gouvernementale basĂ©e au SĂ©nĂ©gal, a participĂ© Ă lâĂ©laboration de la dĂ©claration aprĂšs avoir travaillĂ© auprĂšs des communautĂ©s et sensibilisĂ© les populations aux mĂ©faits des mutilations gĂ©nitales fĂ©minines aussi bien sur les individus que sur les communautĂ©s. Selon Khady Bah Faye, chargĂ©e de communication chez Tostan, la dĂ©claration de renonciation aux mutilations gĂ©nitales fĂ©minines proclamĂ©e en GuinĂ©e prouve que la population africaine est de plus en plus impliquĂ©e dans la lutte contre ces pratiques. La Gambie, le Burkina Faso et le BĂ©nin ont fait appel Ă Tostan, a prĂ©cisĂ© Khady Bah Faye. LâONG a menĂ© des actions au Mali et travaillera prochainement en Mauritanie. Au SĂ©nĂ©gal, oĂč 28 pour cent des femmes sont excisĂ©es, plus de 1 800 communautĂ©s ont publiquement renoncĂ© Ă lâexcision au cours des neuf derniĂšres annĂ©es, a expliquĂ© Khady Bah Faye. Ainsi, de 1997 Ă 1998, le taux dâabandon de la pratique de lâexcision oscillait entre 65 et 80 pour cent. « Cela fait 2 000 ans que lâexcision est pratiquĂ©e dans les pays dâAfrique de lâOuest. En consĂ©quent, expliquer les dangers de cette pratique et promouvoir son abolition auprĂšs des populations qui considĂšrent lâexcision comme un Ă©lĂ©ment de leur culture prendra un certain temps », a dĂ©clarĂ© Ann Veneman, directrice gĂ©nĂ©rale du Fonds des Nations Unies pour lâenfance (Unicef). Pour lâUnicef et lâOrganisation mondiale de la SantĂ© (OMS), le programme mis en place par Tostan figure parmi « les meilleures initiatives » en matiĂšre de renforcement des capacitĂ©s des communautĂ©s. Changer la coutume Les mutilations gĂ©nitales fĂ©minines sont pratiquĂ©es dans prĂšs de 28 pays dâAfrique et visent Ă prĂ©server la virginitĂ© de la femme avant le mariage. Lâexcision consiste Ă procĂ©der Ă lâablation des grandes lĂšvres et du clitoris. Sa forme la plus grave implique la suture de lâorifice vaginal pour ne laisser quâun orifice gros comme la tĂȘte dâune allumette pour lâĂ©coulement des rĂšgles. Lâexcision peut entraĂźner des hĂ©morragies, des infections, des complications lors de lâaccouchement et la jeune fille souffre de traumatismes durant toute sa vie, a soulignĂ© lâOMS. Molly Melching, directrice de Tostan, a prĂ©cisĂ© que lâONG ne sâĂ©tait pas fixĂ© comme objectif dâĂ©liminer lâexcision, mais de sensibiliser les communautĂ©s sur la dĂ©mocratie et les droits humains. « Notre objectif nâest pas dâamener les gens Ă changer, mais de les informer », a-t-elle dĂ©clarĂ©. Pour Molly Melching, lâabolition de lâexcision peut ĂȘtre comparĂ©e Ă la suppression de la coutume des pieds bandĂ©s en Chine au dĂ©but du XXe siĂšcle. En effet, la pratique des pieds bandĂ©s, qui consistait Ă envelopper les pieds des jeunes filles de bandages trĂšs serrĂ©s de maniĂšre Ă empĂȘcher les pieds de grandir normalement et Ă rendre les femmes plus attirantes, a disparu en une gĂ©nĂ©ration. LâONG Tostan se fonde sur le thĂ©Ăątre, le jeu de rĂŽle et dâautres mĂ©thodes participatives pour sensibiliser et rĂ©unir les communautĂ©s. Le succĂšs du programme repose sur les membres de la communautĂ© qui doivent eux-mĂȘmes apporter des solutions aux questions liĂ©es Ă lâenvironnement, aux violences domestiques, au mariage prĂ©coce et Ă la mutilation gĂ©nitale fĂ©minine. « Le respect des droits humains devient un objectif Ă atteindre pour les populations, pour la communautĂ© », sâest rĂ©jouie Molly Melching. « Il y a plusieurs maniĂšre dâatteindre ce but. Une fois que les populations se sont mises dâaccord sur la mĂ©thode, elles ont de nouvelles normes. Auparavant, elles pensaient que [lâexcision] Ă©tait nĂ©cessaire Ă la cohĂ©sion sociale, mais lorsquâelles ont compris que ce nâĂ©tait pas le cas, elles ont adoptĂ© une nouvelle convention, de nouvelles normes. » Une dĂ©cision prise par la communautĂ© Les membres des communautĂ©s ont dĂ©cidĂ© collectivement de mettre un terme Ă lâexcision. Pour Molly Melching, dĂ©cider de supprimer lâexcision est comparable Ă vouloir modifier le code de la route. Il faut que tout le monde soit dâaccord pour conduire de lâautre cĂŽtĂ© de la chaussĂ©e, sinon les rares personnes qui se battent pour modifier le code de la route seront vite contraintes Ă faire marche arriĂšre, a-t-elle fait savoir. Bien que certains hommes africains fortement ancrĂ©s dans la tradition aient fait preuve de rĂ©ticence, ils ont commencĂ© Ă changer de point de vue sur lâexcision lorsquâils ont pris conscience des dangers que prĂ©sentent les mutilations gĂ©nitales fĂ©minines. Autrefois, les hommes et les femmes nâabordaient pas ce sujet. « Câest vraiment lorsque les chefs des communautĂ©s, en particulier les imams, et les femmes sont parvenus Ă parler avec les hommes des consĂ©quences de lâexcision sur la vie des femmes et des risques que pouvaient courir leurs propres filles, niĂšces ou petites filles, que les hommes ont commencĂ© Ă prendre conscience des dangers des mutilations gĂ©nitales fĂ©minines », a conclu Ann Veneman de lâUnicef.