Soumis par crinadmin le
Summary: La crise politique prolongée que traverse Madagascar, qui est déjà l’un des pays les plus pauvres au monde, a aggravé le phénomène de pauvreté.
(Le 24 juin 2011) - Au Centre de récupération nutritionnelle intensive (CRENI) de la ville d’Amboasary Sud, dans la région d’Anosy, au sud-ouest de Madagascar, Samina Tahiaritsoa, 20 ans, berce son fils Lambo qui, à 3 ans, pèse toujours moins de 6 kilos après avoir passé 10 jours au centre. D’après l’UNICEF, deux Malgaches sur trois vivent dans la pauvreté et 50 pour cent des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance causé par la malnutrition. Mme Tahiaritsoa attend son troisième enfant. Elle est enceinte de neuf mois, mais seule une petite bosse le laisse deviner. Avec son salaire de 15 dollars, qu’elle gagne en travaillant dix jours par mois dans une plantation de sisal locale, elle doit subvenir aux besoins des 20 membres de sa famille, qui s’en sortent avec une petite boulette de maïs par jour et de la viande une fois par mois, lorsqu’elle reçoit sa paie. La crise politique prolongée que traverse Madagascar, qui est déjà l’un des pays les plus pauvres au monde, a aggravé le phénomène de pauvreté. Dans le Sud, une région prédisposée à la sécheresse, le climat, de plus en plus imprévisible, a encore aggravé les risques de malnutrition aiguë chez les enfants, tout particulièrement durant la « période de soudure », qui dure d’octobre à mars et pendant laquelle la nourriture se fait rare. « En période de sécheresse ou d’urgence, le prix de la nourriture grimpe et les enfants sont très peu nourris, voire pas du tout pendant une courte période », a dit Shantha Bloemen, porte-parole de l’UNICEF. Le prix du bétail et des chèvres chute en période de sécheresse, car les foyers cherchent à vendre leurs animaux et finissent par se nourrir de graines et de tamarin mélangés à de la cendre pour survivre. L’UNICEF soutient 49 centres de récupération nutritionnelle intensive dans toute l’île. Un graphique du CRENI d’Amboasary Sud montre qu’environ un tiers des 130 admissions de l’année 2010 ont eu lieu entre mars et mai (la fin de la période de soudure), mais les médecins locaux disent que la sécheresse est un problème cyclique qui touche la région à quelques années d’écart, tandis que d’autres problèmes sociaux et économiques durables constituent une menace constante pour la sécurité alimentaire. Avant d’admettre les enfants au CRENI, on calcule leur ratio poids-taille afin de déterminer s’ils souffrent de malnutrition aiguë. Un Centre de récupération nutritionnelle ambulatoire, malnutrition sévère (CRENAS) est rattaché à la clinique d’Amboasary Sud. Selon Mme Bloemen, la malnutrition chronique est généralement causée par de mauvaises pratiques d’alimentation durant une période, par exemple lorsque les enfants ne sont pas exclusivement allaités jusqu’à leurs deux ans, ou en cas de carence en protéines ou autres éléments nutritifs. « Ils grandiront, ils ne mourro nt pas, mais ils n’atteindront jamais leur taille normale et cela peut affecter leur développement mental », a-t-elle dit. « C’est avant tout la pauvreté qui est à l’origine de ce problème », a dit Samuel Rasaivaonirina, médecin-chef du CRENI, ajoutant que l a plupart des travailleurs subviennent en moyenne aux besoins d’une famille de dix membres avec 10 dollars par mois seulement. Ils tirent généralement ce salaire de misère d'une activité agricole à petite échelle ou en travaillant dans la plantation de sisal qui s'étend sur des k ilomètres à l'extérieur de la ville et qui est restée aux mains de ses propriétaires français depuis l'indépendance de Madagascar en 1960. Dans une région qui compte plus de 220 000 habitants, la plantation occupe près de 80 pour cent des terres cultivables dans cinq des 16 villages. « Les habitants de ces cinq villages sont toujours pauvres, toujours en difficulté. Même lorsque le reste de la région connaît une période prospère, ils souffrent d'insécurité alimentaire », a dit le docteur Andry Rabetsivahiny. « La preuve, c'est que dans notre CRENAS, près de 70 pour cent des enfants admis viennent des zones où est cultivé le sisal » Le personnel de la clinique et les agents de santé communautaires entraînés à identifier la malnutrition envoient les enfants vers le CRENAS. Les cas les plus graves et ceux présentant des complications sont réorientés vers le CRENI. Selon M. Rasaivaonirina, les enfants restent habituellement 10 jours au CRENI. Une fois qu'ils ont pris suffisamment de poids, ils retournent au CRENAS, où les mères et leurs enfants sont pris en charge et informés. Ils reçoivent également des provisions de Plumpy'nut, un aliment thérapeutique prêt à l'emploi, à ramener chez eux. Riche en oligo-éléments, cette pâte de cacahuètes hautement nutritionnelle joue un rôle vital dans une région où 60 pour cent des habitants vivent à plus de 5 kilomètres du centre de santé le plus proche. L'état de malnutrition aiguë de Lambo l'a rendu vulnérable à une infection diarrhéique, et il a perdu du poids depuis son admission au CRENI il y a neuf jours. Il lui faudra suivre une cure d'antibiotiques avant de pouvoir faire des progrès et être autorisé à quitter le centre. De telles complications, fréquentes chez les enfants dont le système immunitaire a été affaibli par la malnutrition, peuvent rapidement êtres mortelles si elles ne sont pas soignées. M. Rabetsivahiny a noté qu'un « fady » local, un tabou interdisant la consommation de certains aliments, a contribué à généraliser la carence en protéines dans une région où la viande constitue un luxe inaccessible au plus grand nombre. « Les enfants n'ont pas le droit de manger des œufs et du poulet, et les patates douces ne peuvent être consommées qu'aussitôt déterrées », dit-il. Les poulets sont considérés comme « sales » et on laisse croire que les œufs rendent les femmes et les enfants muets. Il a ajouté que les hommes de la région ont souvent de nombreuses partenaires, et que l'on évalue leur richesse au nombre de leurs enfants. Résultat ? Des familles nombreuses, souvent élevées par des mères célibataires ne parvenant pas à gagner suffisamment d'argent pour subvenir aux besoins de leur progéniture. Mme Tahiaritsoa n'a pu allaiter Lambo et son deuxième enfant que pendant deux mois avant de reprendre le travail à la plantation. Maintenant, avec son troisième enfant sur le point de naître, il semble encore moins probable qu'elle parvienne à nourrir une famille qui ne cesse de s'agrandir.