RCA: Le respect de la loi et le maintien de l'ordre disparaissent, tandis que les civils fuient la violence et les tueries

[26 juin 2007] - Amnesty International a tirĂ© la sonnette d’alarme ce 26 juin : des centaines de milliers de civils sont en danger en RĂ©publique centrafricaine (RCA), sur fond de violence persistante dans les pays voisins du Tchad et du Soudan.

« Alors que l’attention internationale reste braquĂ©e sur le Darfour et le Tchad oriental, la rĂ©gion nord de la RCA est entrĂ©e dans une spirale de conflit et de chaos, dans l’ignorance quasi complĂšte de la communautĂ© internationale », a dĂ©clarĂ© Godfrey Byaruhanga, un chercheur d’Amnesty International rĂ©cemment revenu du Tchad mĂ©ridional et de la RCA.

« Les rĂ©gions septentrionales souffrent particuliĂšrement de ce chaos, elles sont devenues un terrain de chasse pour les diverses forces d’opposition armĂ©e de ce pays, les troupes gouvernementales, et mĂȘme des bandits armĂ©s. Certains viennent d’Afrique de l’ouest pour se livrer Ă  des enlĂšvements et des pillages dans les villages de la rĂ©gion. »

Les forces d’opposition armĂ©e de RCA tuent les civils qui ne les soutiennent pas ou refusent de rejoindre leurs rangs. Les troupes gouvernementales tuent les civils qu’ils accusent de collusion avec ces groupes armĂ©s, et brĂ»lent des villages entiers lors d’attaques de reprĂ©sailles. Les civils qui survivent aux attaques des forces gouvernementales et de l’opposition armĂ©e sont attaquĂ©s par des bandits qui les enlĂšvent pour des rançons et pillent leurs biens. Le gouvernement de RCA faillit manifestement Ă  son devoir de protĂ©ger les civils de cette rĂ©gion.

En interviewant des dizaines de rĂ©fugiĂ©s ayant rĂ©cemment fui des zones septentrionales de RCA vers le sud du Tchad, Amnesty International est parvenue Ă  la conclusion prĂ©liminaire qu’il n’existe quasiment aucune autoritĂ© pour protĂ©ger les civils, ce qui laisse libre cours Ă  de nombreuses forces armĂ©es. ہ l’instar des forces d’opposition et du gouvernement de RCA, les troupes du gouvernement et de l’opposition du Tchad mĂšnent des incursions dans la rĂ©gion. Des bandits armĂ©s rĂŽdent en RCA septentrionale, Ă  la recherche de bĂ©tail – et de mineurs qu’ils enlĂšvent ou relĂąchent contre de fortes rançons.

« La rĂ©gion tout entiĂšre est devenue un creuset de violence et de peur – ce qui menace de dĂ©stabiliser encore plus cette rĂ©gion, qui est dĂ©jĂ  l’une des plus instables et dangereuses du monde », a ajoutĂ© Godfrey Byaruhanga. « Les civils pris au piĂšge sont nĂ©cessairement perdants. Certains ont tellement peur qu’ils s’enfuient au Soudan, au Cameroun et vers le sud du Tchad : leur dĂ©sespoir les jette de Charybde en Scylla. »

Lors de leur visite dans des camps de rĂ©fugiĂ©s, dans le sud du Tchad, les chercheurs d’Amnesty International ont rencontrĂ© des familles dont les enfants – certains n’ayant pas plus de trois ans – avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s contre rançon par des bandits armĂ©s appelĂ©s Zaraguinas, ou coupeurs de routes.

Certains parents ont dĂ» payer une rançon allant jusqu’à deux millions de francs CFA (l’équivalent de 4 000 dollars des Etats-Unis) pour un enfant. Certaines familles ont vu leurs enfants enlevĂ©s pour rançon jusqu’à sept fois de suite. Des parents qui possĂ©daient auparavant plus de 100 tĂȘtes de bĂ©tail, dont ils tiraient leurs moyens de subsistance, sont dĂ©sormais sans ressources, dĂ©pendant des maigres rations de l’aide humanitaire dans les camps de rĂ©fugiĂ©s du Tchad mĂ©ridional.

« Les parents qui ont retrouvĂ© leurs enfants aprĂšs avoir payĂ© leur rançon ont eu de la chance. Certains enfants ont Ă©tĂ© tuĂ©s parce que leurs parents ne pouvaient pas la payer, d’autres sont toujours prisonniers des bandits, sans autoritĂ© pour venir Ă  leur secours », a dĂ©clarĂ© Godfrey Byaruhanga.

« La nouvelle se rĂ©pand manifestement au sein des dĂ©linquants et criminels de toute la rĂ©gion : ils ont les mains libres dans le nord de la RCA, car il n’existe quasiment aucune autoritĂ© », a ajoutĂ© Godfrey Byaruhanga.

« Le respect de la loi et le maintien de l’ordre disparaissent rapidement en RCA. L’autoritĂ© du gouvernement est dĂ©jĂ  limitĂ©e de fait Ă  la capitale, Bangui, oĂč rĂšgnent Ă©galement l’insĂ©curitĂ©, la corruption et l’impunitĂ©. Les rĂ©percussions d’un tel effondrement seraient catastrophiques pour la rĂ©gion d’Afrique centrale tout entiĂšre. »

Amnesty International demande le dĂ©ploiement immĂ©diat d’une force multidimensionnelle des Nations unies pour protĂ©ger les civils en RCA, exprimant sa crainte que la communautĂ© internationale – notamment les Nations unies et l’Union africaine – ne prennent pas assez au sĂ©rieux la dĂ©gradation de la situation.

Selon notre organisation, cette force des Nations unies doit protĂ©ger les civils ; il faut la dĂ©ployer sans attendre le dĂ©ploiement d’autres forces au Darfour ou dans l’est du Tchad.

« La situation est trop dangereuse, elle ne peut tout simplement pas attendre », a dĂ©clarĂ© Godfrey Byaruhanga. « La vie des populations de RCA ne doit pas dĂ©pendre des caprices des gouvernements soudanais et tchadien, d’autant plus que le gouvernement de RCA a acceptĂ© le dĂ©ploiement d’une force internationale. »

Notre organisation a ajoutĂ© que le dĂ©ploiement d’une force des Nations unies doit se faire dans le cadre plus exhaustif de la protection des civils en RCA, notamment avec le gouvernement, qui doit remplir son devoir de protĂ©ger sa population sur tout son territoire. Tandis que les Nations unies Ă©tudient la formation et le dĂ©ploiement d’une force multidimensionnelle, le gouvernement de RCA doit commencer immĂ©diatement par ordonner Ă  ses forces de ne pas attaquer les civils. En outre, le gouvernement de RCA doit immĂ©diatement enquĂȘter sur ses militaires et autres responsables du maintien de l’ordre accusĂ©s de commettre des violations du droit humanitaire et relatif aux droits humains, et les traduire en justice le cas Ă©chĂ©ant, dans des procĂšs respectant les normes internationales d’équitĂ©.

Selon Amnesty International, les groupes armĂ©s ont l’obligation de respecter le droit international humanitaire, et doivent cesser immĂ©diatement de commettre des atteintes aux droits humains ; toutes les parties du conflit ont l’obligation de donner aux organisations humanitaires un libre accĂšs aux populations concernĂ©es.

Amnesty International prépare un rapport plus détaillé, avec des recommandations supplémentaires à la communauté internationale et au gouvernement de RCA, pour la protection des civils.

Informations supplémentaires:

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=11179

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