NAMIBIE: La majorité des victimes de viol connaissent le violeur

WINDHOEK, 5 June 2007 (IRIN) - Au moins deux tiers des victimes de viol et de tentative de viol en Namibie connaissent leurs agresseurs, a révélé un rapport publié ce mois-ci avant la tenue de conférence nationale sur la violence envers les femmes et les enfants.

Le rapport, 'Viol en Namibie' (‘Rape in Namibia’), qui a examinĂ© les effets pratiques de la promulgation de la loi contre le viol, adoptĂ©e il y a sept ans, a Ă©galement notĂ© qu’entre 2000 et 2005, 99 pour cent des victimes de viols rĂ©pertoriĂ©s Ă©taient des femmes.

« Seuls 20 pour cent des actes de viol impliquaient des personnes inconnues des victimes », a soulignĂ© Dianne Hubbard, auteur du rapport et coordinatrice du Gender Research and Advocacy Project of the Legal Assistance Centre (LAC) - Projet de recherche et de plaidoyer pour l’égalitĂ© de genre du Centre d’assistance juridique -, lors de la publication du rapport Ă  Windhoek, la capitale.

« La majoritĂ© des viols – au moins 67 pour cent – recensĂ©s dans notre rapport sont le fait de personnes connues des victimes. Plus choquant encore, dans l’échantillon Ă©tudiĂ©, prĂšs de 25 pour cent des viols Ă©taient commis par un membre de la famille, le conjoint, le partenaire intime, ou un ex-partenaire de la victime », a-t-elle dit.

C’est ce qui est arrivĂ© Ă  Laimi (un nom d’emprunt), une jeune fille de 17 ans qui a Ă©tĂ© violĂ©e par son petit ami de 22 ans.

« Lorsque vous refusez d’avoir une relation sexuelle avec votre petit ami, il s’énerve et peut mĂȘme vous battre ; il est donc prĂ©fĂ©rable d’accepter », a-t-elle confiĂ© Ă  IRIN.

Alors qu’elle n’avait que cinq ans, Laimi a vu sa grande sƓur, ĂągĂ©e de sept ans, se faire violer dans la maison familiale.

« C’était un oncle venu du village. Je n’ai pas rĂ©alisĂ© ce qu’il faisait, mais j’ai senti que ce devait ĂȘtre quelque chose de pas bien. Ma sƓur a pleurĂ© ensuite ».

Les cas de viols et de tentatives de viol ont doublé en Namibie, passant de 564 cas en 1991, à 1 184 en 2005, a indiqué le rapport, ce qui correspond à 60 cas répertoriés pour 100 000 habitants, par rapport aux 117 cas pour 100 000 habitants en Afrique du Sud, le pays voisin.

Le rapport du LAC a Ă©tĂ© Ă©tabli Ă  partir d’un examen minutieux des donnĂ©es de la police, de 409 rĂŽles d’audience, de 507 cas de viol inscrits dans les registres des tribunaux et d’entretiens avec 58 informateurs de premier plan, dont des agents de police, des procureurs, des avocats, des mĂ©decins et des rescapĂ©es de viol.

« L’augmentation du nombre de viols et de tentatives de viol rĂ©pertoriĂ© pourrait signifier que le nombre de viols commis est en hausse ou que de plus en plus de plaintes sont enregistrĂ©es. Cette hausse pourrait Ă©galement s’expliquer par une combinaison de ces deux facteurs », selon le rapport.

La forte progression du nombre de viols rĂ©pertoriĂ© pourrait aussi ĂȘtre attribuĂ©e au nombre important de commissariats ouverts en Namibie.

En effet, en 1990, lors de l’accĂšs du pays Ă  l’indĂ©pendance, la Namibie ne comptait que 75 commissariats. En 2005, elle en comptait 106, dont 26 sous-commissariats et 15 unitĂ©s de protection de la femme et de l’enfant, ce qui a facilitĂ© les dĂ©pĂŽts de plainte.

Prùs de 60 pour cent des deux millions d’habitants que compte le pays vivent dans des zones rurales.

La plupart des viols (68 pour cent) sont donc signalés rapidement à la police et, dans prÚs de 70 pour cent des cas, les auteurs de ces actes sont appréhendés ; ce qui tend à prouver que les victimes connaissent généralement les violeurs, dont 13 pour cent ont entre 13 et 18 ans, précise le rapport.

Obtenir justice

Toujours selon le rapport, 40 pour cent des auteurs de viol sont traduits en justice, alors que 30 pour cent des plaintes pour viol sont retirĂ©es par les plaignantes. Dans ce dernier cas, une des raisons Ă©voquĂ©es est que la victime a acceptĂ© d’ĂȘtre indemnisĂ©e, conformĂ©ment au droit coutumier, bien que cette action ne soit pas incompatible avec la poursuite d’une procĂ©dure judiciaire.

Le rapport prĂ©cise Ă©galement que 16 pour cent des auteurs de viol Ă©copent d’une condamnation Ă  la suite d’un procĂšs.

Certes, ce pourcentage des condamnations « pourrait ĂȘtre plus important, mais la Namibie fait dĂ©jĂ  mieux que bon nombre d’autres pays. En Afrique du Sud, par exemple, il est de sept pour cent et de 21 pour cent, en Allemagne », a commentĂ© Mme Hubbard.

Pour Liz Frank, militante pour l’égalitĂ© des genres et rĂ©dactrice en chef du mensuel Sister Namibia, le viol en Namibie est un des hĂ©ritages « marquants » du systĂšme de l’apartheid, qui a pris fin avec l’indĂ©pendance du pays, et de la lutte de libĂ©ration nationale.

« La lutte armĂ©e et les violences qu’elle a suscitĂ©es Ă©taient considĂ©rĂ©es comme un acte hĂ©roĂŻque », a-t-elle expliquĂ© Ă  IRIN. « Il n’y a pas eu de rĂ©conciliation, les blessures n’ont pas Ă©tĂ© pansĂ©es, et la sociĂ©tĂ© traĂźne encore le traumatisme psychologique de ces pĂ©riodes sombres ».

L’indĂ©pendance avait fait naĂźtre de grands espoirs dans le domaine de l’emploi, de l’habitat et des avantages Ă©conomiques, mais ces attentes n’ont pas Ă©tĂ© satisfaites, comme le prouve le fort taux de chĂŽmage qui s’établit Ă  36 pour cent de la population active.

« Les femmes sont gĂ©nĂ©ralement chargĂ©es d’assurer les repas quotidiens de la famille, de la corvĂ©e du bois, alors que les hommes sans emploi et les jeunes hommes, notamment ceux en situation d’échec scolaire, ressentent une grande frustration », a expliquĂ© Mme Franck. « Prendre possession du corps d’une femme ou d’une fille pendant un viol leur procure un sentiment de puissance et de responsabilitĂ© ».

Le rapport recommande, entre autres, la mise en place de programmes de soutien aux victimes, l’instruction prioritaire des cas de viol impliquant des enfants, et des peines plus sĂ©vĂšres contre les auteurs de viol, en cas de traumatisme physique ou psychologique chez la victime.

Informations supplémentaires:

Country: 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.