GABON: La 'génération sans sida' risque de se faire attendre

LIBREVILLE, 8 May 2007 (PlusNews) - Deux tiers des femmes enceintes dĂ©pistĂ©es positives au VIH au Gabon disparaissent aprĂšs l’accouchement et ne bĂ©nĂ©ficient donc pas des services de prĂ©vention de la transmission du virus de la mĂšre Ă  l’enfant, s'alarment des professionnels de la santĂ©.

Le taux de prĂ©valence du VIH parmi les femmes enceintes au Gabon est estimĂ© Ă  entre huit et 10 pour cent –contre 8,2 pour cent des quelque 1,5 million d’habitants de ce petit pays riche en pĂ©trole et durement touchĂ© par l’épidĂ©mie.

Pour tenter de rĂ©duire ce taux Ă©levĂ©, le gouvernement gabonais, avec l’appui de partenaires comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la coopĂ©ration française, a mis en place en 2002 un programme de prĂ©vention de la transmission du VIH de la mĂšre Ă  l’enfant (PTME).

La PTME permet, grĂące Ă  un cocktail d’antirĂ©troviraux (ARV) administrĂ© Ă  la mĂšre et au bĂ©bĂ©, de rĂ©duire considĂ©rablement le risque d’infection de l’enfant. En l’absence d’intervention, les experts estiment qu’entre 20 et 45 pour cent des enfants nĂ©s de mĂšres sĂ©ropositives seront infectĂ©s Ă  leur tour.

Disponible au dĂ©part uniquement Ă  Libreville, la capitale gabonaise, la PTME a Ă©tĂ© Ă©tendue aux autres rĂ©gions du pays. Aujourd’hui, 55 centres rĂ©partis sur tout le territoire peuvent proposer aux femmes enceintes de se faire dĂ©pister pour le VIH et 500 sages-femmes et assistances sociales ont Ă©tĂ© spĂ©cialement formĂ©es pour ce programme.

« DĂšs la premiĂšre [consultation prĂ©natale], nous parlons aux femmes du bilan sanguin qu’elles doivent faire [dans le cadre du suivi de leur grossesse] et nous leur expliquons que c’est l’occasion aussi de faire un test de dĂ©pistage [du VIH] », a dit Yebe Zang, une des 15 sages-femmes du centre La PĂ©yrie, l’un des trois centres de santĂ© maternelle et infantile de Libreville.

Pour les convaincre d’accepter le test, les personnels de santĂ© expliquent aux femmes l’intĂ©rĂȘt de connaĂźtre leur statut sĂ©rologique. « On leur dit que si elles sont sĂ©ropositives, grĂące Ă  la prise en charge, elles pourront alors Ă©viter de mettre au monde un enfant infectĂ©. Souvent, elles comprennent et elles acceptent », a dit Mme Zang.

Pourtant, malgrĂ© la formation des professionnels de la santĂ© et une sensibilisation de plus en plus marquĂ©e, entre 2002 et 2006, seulement 36 pour cent des quelque 74 000 femmes enceintes venues en consultation prĂ©natale se sont vues proposer un test de dĂ©pistage, le personnel mĂ©dical Ă©tant peu Ă  l’aise, voire rĂ©ticent, Ă  cette idĂ©e.

« Lors des consultations, le test n’est proposĂ© qu’à demi-mot », a constatĂ© Blanche-Reine Mebaley, consultante VIH/SIDA en milieu scolaire auprĂšs de l’UNICEF, notant par ailleurs qu’il n’était pas « Ă©vident de lever le tabou qui existe autour de la maladie».

MĂȘme lorsque le test est proposĂ© dans le cadre des consultations prĂ©natales, l’engouement n’est pas toujours au rendez-vous : seules 54 pour cent des femmes Ă  qui il a Ă©tĂ© proposĂ© en 2006 ont acceptĂ© de le faire, d’aprĂšs les statistiques officielles.

« Il y a celles qui ont peur de savoir, celles qui, une fois [sorties], changent d’avis », a dit NoĂ«lle Avomo Obame, coordinatrice nationale de la PTME au Gabon. « Et puis dans certains cas, nous n’avons pas trace du test car les femmes ne ramĂšnent pas leurs rĂ©sultats, par oubli ou par peur, mĂȘme si cela change peu Ă  peu ».

Peu de candidates pour la PTME

MalgrĂ© ces Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ  inquiĂ©tants, le plus gros problĂšme de la PTME au Gabon reste les « perdues de vues » aprĂšs l’accouchement, estiment les professionnels de la santĂ© : en quatre ans, sur les 1010 femmes enceintes dĂ©pistĂ©es positives, seules 288, soit 28 pour cent, ont pu bĂ©nĂ©ficier du programme avec leur enfant.

MalgrĂ© une lĂ©gĂšre augmentation (35 pour cent) en 2006, il est encore frĂ©quent de voir disparaĂźtre la mĂšre une fois que l’enfant est nĂ©, a constatĂ© le personnel soignant de la maternitĂ© du Centre hospitalier de Libreville (CHL), l’un des deux centres d’accouchement pour les femmes enceintes de la capitale.

« Quand les femmes viennent, elles doivent signaler leur statut sérologique qui est confidentiel pour que nous les prenions en charge, mais en raison de la stigmatisation, beaucoup accouchent et disparaissent dans la nature, sans rien dire», a regretté le docteur Isabelle-Julienne Minko, pédiatre et chef de service adjoint de la maternité du CHL.

Dans le cas contraire, c’est le suivi aprĂšs l’accouchement qui pose problĂšme, en raison des coĂ»ts associĂ©s Ă  la PTME, dans un pays ou 78 pour cent de la population vit avec moins de deux dollars par jours, selon les Nations Unies.

En effet, malgrĂ© la gratuitĂ© des ARV pour la mĂšre et l’enfant, les tests de suivi du bĂ©bĂ© sont Ă  la charge des parents, qui doivent dĂ©bourser 10 000 francs CFA (20 dollars) chaque mois, jusqu’au 18Ăšme mois, Ăąge auquel le statut sĂ©rologique de l’enfant peut ĂȘtre Ă©tabli avec certitude.

« Ces tests sont lourds Ă  gĂ©rer pour les familles. Faute de moyens, les mĂšres prĂ©fĂšrent acheter le lait maternel plutĂŽt que de faire les tests et c’est comme ça qu’on les perd », a dit Mme Minko.

Lorsque cela est possible, il est conseillĂ© aux mĂšres de ne pas allaiter leur bĂ©bĂ© –ou en tout cas pas au-delĂ  de six mois- et de les nourrir avec des substituts de lait maternel, afin de rĂ©duire au maximum le risque de transmission du virus.

D’autre part, a constatĂ© le docteur Murielle Owono Megnier-Mbo, chef du service de pĂ©diatrie au CHL, « dĂšs que les femmes voient que leur enfant va bien, elles abandonnent ».

Sur les 190 bĂ©bĂ©s nĂ©s de mĂšres sĂ©ropositives au CHL en 2006, seuls 60 d’entre eux sont encore suivis.

« Vu le nombre de perdues de vues, on est mĂȘme incapable aujourd’hui, de savoir si le programme marche, car les seuls rĂ©sultats que nous avons sont insuffisant pour ĂȘtre valable scientifiquement », a-t-elle dĂ©plorĂ©. « On a un programme, mais qui tourne en rond et l’on continue Ă  crĂ©er des enfants sĂ©ropositifs. Sans une prise en charge totale de l’enfant, cela ne peut vraiment pas ĂȘtre une rĂ©ussite ».

Plus d'informations:

pdf: http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=72031

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